et je ne puis m’empêcher de remarquer ici que la maxime de Tacite peut s’appliquer à quelques naturels : Beneficia eo usque lœta sunt, dum videntur exsolvi posse ; ubi multum antevenere, pro gratia odium redditur[1] ; d’où un homme sage peut se trouver averti de ne pas en obliger un autre au delà des moyens que celui-ci a de s’acquitter, de peur que son débiteur ne lui fasse aussi banqueroute de la reconnaissance. » Tout en se répétant à lui-même de semblables sentences de philosophie cynique, notre Antiquaire continuait de marcher le long des sables vers le château de Knockwinnock. Mais il faudra que nous l’y devancions pour expliquer les motifs qui y faisaient désirer si impatiemment sa présence.
CHAPITRE XLI.
LE RÉVEIL DES ILLUSIONS.
Du moment où sir Arthur s’était trouvé possesseur du trésor découvert dans la tombe de Misticot, l’état de son esprit avait semblé tenir plus de l’extase que du sens commun. Sa fille même avait craint sérieusement plus d’une fois qu’il ne perdît la tête ; car, plein de la conviction qu’il avait le moyen de s’assurer la possession de richesses sans bornes, son langage et sa conduite étaient ceux d’un homme qui a trouvé la pierre philosophale. Il parla d’acheter des biens voisins des siens, qui l’auraient conduit d’un bout à l’autre de l’île, comme s’il eût été décidé à ne pouvoir souffrir d’autre voisin que la mer. Il avait écrit à un architecte célèbre, sur le projet qu’il avait de faire reconstruire le château de ses ancêtres sur un plan dont la magnificence aurait rivalisé avec celui
- ↑ « On reçoit avec plaisir les bienfaits tant que l’on peut croire les payer ; mais quand ils ont dépassé la mesure, la haine succède à la reconnaissance. » a. m.