Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/410

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— Et il ne tarderait pas à s’en débarrasser en me jetant par terre, dit l’Antiquaire. Comment diable ! mon neveu, êtes-vous las de moi, ou supposez-vous que je le sois de la vie, pour vouloir me faire monter sur le dos d’un semblable Bucéphale ? Non, non, mon ami ; si je dois aller aujourd’hui à Knockwinnock, ce sera tranquillement sur mes jambes, ce que je vais entreprendre de faire le plus promptement possible ; le capitaine Mac Intyre peut monter ce cheval lui-même, s’il veut.

— Je n’ai guère l’espoir de leur être utile, mon oncle, mais je ne puis songer à leur malheur sans désirer de leur montrer toute la part que j’y prends ; ainsi je vais partir en avant et leur annoncer votre arrivée… Je vous demanderai vos éperons, mon ami.

— Vous n’en aurez guère besoin, monsieur, dit le domestique en les détachant et les ajustant aux bottes du capitaine Mac Intyre. Il a l’allure assez franche. »

Oldbuck demeura confondu de ce dernier trait de témérité. « Êtes-vous fou, Hector, s’écria-t-il, ou avez-vous oublié ce qui est dit par Quintus Curtius, qu’en qualité de soldat, vous devriez au moins connaître, Nobilis equus umbra quidem virgœ regitur ; ignavus ne calcari quidem excitari potest[1], ce qui montre clairement que les éperons sont toujours inutiles, et j’ajouterai, la plupart du temps dangereux. »

Mais Hector qui, sur un tel sujet, ne s’embarrassait guère de l’opinion de Quintus Curtius, ni même de celle de l’Antiquaire, répondit étourdiment : « N’ayez pas peur, monsieur, n’ayez pas peur. »


« À ces mots il lâcha la bride à son coursier,
Et l’éperon sanglant aussitôt l’aiguillonne ;
Comme un trait il s’élance, intrépide guerrier,
Il dévore la route et n’écoute personne. »


« Les voilà partis, et ma foi ils font bien la paire, dit Oldbuck en les regardant courir. Un cheval emporté et un jeune fou, les deux créatures les plus indomptables de la chrétienté ! et tout cela pour arriver une demi-heure plus tôt dans un endroit où personne n’a besoin de lui, car je doute que notre étourdi cavalier puisse quelque chose aux peines de sir Arthur. Ceci doit être le résultat de la friponnerie de Dousterswivel pour lequel sir Arthur a tant fait,

  1. « Il suffit de l’ombre d’une baguette pour guider un noble coursier ; le cheval paresseux ne peut être mis au galop, même par l’éperon. » a. m.