Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/407

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gretter ce que j’ai fait et ce que j’ai souffert pour la comtesse Joscelinde ; non, non, je ne le regrette pas.

— J’ai entendu dire, reprit le mendiant en se réglant sur ce qu’Oldbuck lui avait appris de la famille de Glenallan ; j’ai entendu dire, commère, que quelque mauvaise langue s’était mêlée des affaires de lord Geraldin et de sa jeune fiancée.

— Une mauvaise langue ? dit-elle vivement d’un air alarmé : qu’avait-elle à craindre d’une mauvaise langue ? elle était assez bonne et assez belle pour n’en rien redouter ; au moins, c’est ce que tout le monde disait : ah ! si elle-même se fût gardée d’exercer sa langue sur d’autres gens, elle pourrait vivre encore aujourd’hui, heureuse et grande dame, en dépit de tout.

~ Mais j’ai entendu dire, bonne mère, continua Ochiltree, que le bruit s’était répandu dans le pays qu’ils étaient un peu trop proches parens pour se marier.

— Qui ose parler de cela ? dit la vieille femme brusquement : qui ose dire qu’ils étaient mariés ? qui en sait quelque chose ? ce n’est pas la comtesse, ce n’est pas moi ! S’ils se marièrent secrètement, ils furent séparés de même. Ils burent eux-mêmes la coupe d’imposture qu’ils avaient préparée.

— Non, misérable vieille, s’écria Oldbuck qui ne put garder plus long-temps le silence ; ils burent le poison que vous et votre criminelle maîtresse leur aviez préparé.

— Ah ! ah ! répliqua-t-elle, j’avais toujours pensé que cela en viendrait là ; mais je n’ai qu’à garder le silence pendant qu’on m’examinera. Il n’y a plus de torture de nos jours ; et quand même, qu’ils me déchirent s’ils veulent, ce n’est pas la bouche du vassal qui trahira celui dont il a mangé le pain.

— Parlez-lui, Édie, dit l’Antiquaire, elle connaît votre voix, et y répond mieux.

— Nous n’en tirerons plus rien, dit Ochiltree, car quand elle se tient comme cela les bras croisés, on dit qu’elle est souvent des semaines entières sans parler. D’ailleurs, il me semble remarquer un grand changement dans ses traits depuis que nous sommes entrés. Cependant je vais encore essayer pour satisfaire Votre Honneur.

« Ainsi donc, commère, vous ne pouvez vous mettre dans l’esprit que votre ancienne maîtresse, la comtesse Joscelinde, soit partie de ce monde ?

— Partie ! s’écria-t-elle, car le nom de la comtesse ne manquait jamais son effet sur elle ; alors nous devons tous la suivre, il faut