cette ardeur qui le caractérise est une espèce de véhémence qui appartient à sa constitution, qui l’accompagne dans toutes ses actions, et ne laisse pas d’être souvent à charge à ses amis. Je l’ai vu aujourd’hui se mesurer corps à corps avec un phoque ou un veau marin (nos gens, en prononçant ce nom dans leur dialecte, conservent la gutturale gothique) ; en bien, il y mettait autant d’ardeur que s’il eût combattu contre Dumourier. Ma foi, milord, le phoque a eu le dessus, comme le même Dumourier a pu dire qu’il l’avait eu sur certaines gens. Il vous parlera avec presque autant d’enthousiasme des qualités d’une chienne d’arrêt que d’un plan de campagne.
— Puisqu’il aime tant la chasse, dit le comte, je lui donnerai pleine liberté de se livrer sur mes terres à cet exercice.
— Vous allez vous l’attacher, milord, à la vie et à la mort ; lui permettre de décharger son fusil sur une pauvre bande de perdrix ou de coqs de bruyère, en voilà assez pour le lier à vous corps et âme. Je vais l’enchanter en lui apprenant cette nouvelle. Ah ! milord ! si vous aviez connu mon ami Lovel, mon phénix ; c’est là un modèle et le héros des jeunes gens du siècle, et il est plein de courage aussi. Je vous assure qu’il a donné une bonne leçon à mon pétulant neveu ad quid pro quo[1], il lui a montré un Roland pour un Olivier, suivant le dicton vulgaire qui fait allusion aux deux célèbres paladins de Charlemagne. »
Après le café, lord Glenallan demanda une entrevue particulière à l’Antiquaire, et fut introduit dans sa bibliothèque.
« Pardon, dit-il, si je vous arrache à votre aimable famille pour vous faire partager les perplexités d’un malheureux. Vous connaissez le monde dont je suis depuis si long-temps exilé, puisque le château de Glenallan était pour moi moins une demeure qu’une prison, dont pourtant je n’avais ni la résolution ni la force de m’échapper.
— Permettez-moi de demander d’abord à Votre Seigneurie quels sont ses désirs et ses projets dans cette affaire.
— Mon vœu le plus ardent, répondit lord Glenallan, est de publier mon union infortunée, et de réparer l’outrage fait à l’honneur de la malheureuse Éveline, si toutefois vous croyez qu’il y ait possibilité de le faire sans divulguer la conduite de ma mère.
— Suum cuique tribuilo[2], dit l’Antiquaire ; que justice soit