Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/359

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Notre Antiquaire était, comme nous l’avons dit, un gentleman pour les sentimens, mais brusque et peu mesuré dans ses expressions, à cause de l’habitude qu’il avait de vivre avec des êtres qui ne lui inspiraient aucune contrainte. Il attaqua donc sans ménagement le noble lord sur la sévérité de son régime.

« Quelques légumes à moitié froids, et quelques pommes de terre avec un verre d’eau glacée pour les faire passer ! l’antiquité ne nous offre pas un exemple semblable, milord. Cette maison fut autrefois un hospitium, un lieu de refuge pour les chrétiens, mais le régime de Votre Seigneurie est celui d’un pythagoricien du paganisme, ou d’un bramine indien ; et vous seriez plus rigide qu’eux-mêmes, si vous refusiez de manger une de ces belles pommes.

— Vous savez que je suis catholique, dit lord Glenallan, espérant échapper à cette discussion, et vous n’ignorez pas que notre église…

— A pour principe de recommander plusieurs règles sévères de mortification, reprit l’imperturbable Antiquaire ; mais je n’ai jamais entendu dire qu’elle les mît si rigoureusement en pratique, témoin mon prédécesseur John de Girnell, le jovial abbé qui donna son nom à cette pomme, milord. »

Et tout en pelant le fruit malgré les « Fi donc, Monkbarns ! » de sa sœur, et une toux prolongée du ministre accompagnée de l’ébranlement de son énorme perruque, l’Antiquaire se mit à raconter l’intrigue qui avait donné lieu à la réputation des pommes de l’abbé, avec plus de détails et de gaîté qu’il n’était absolument nécessaire. Mais sa plaisanterie, comme on le comprendra facilement, manqua son coup, car cette anecdote de galanterie monastique ne put exciter le moindre sourire sur la figure du comte. Oldbuck reprit ensuite le sujet d’Ossian, Macpherson et Mac Cribb ; mais lord Glenallan était si peu au courant de la littérature moderne, qu’il n’avait jamais entendu parler d’aucun des trois. La conversation était donc en danger de languir ou de tomber entre les mains de M. Blattergowl qui venait de prononcer le mot redoutable de libre d’impôts, lorsqu’on vint à parler de la révolution française, événement que lord Glenallan regardait avec toute la prévention et l’horreur d’un catholique outré et d’un aristocrate zélé. Oldbuck était loin d’en réprouver à un tel excès les principes.

« Il y a eu beaucoup d’hommes dans la première assemblée constituante, dit-il, qui avaient des principes de whiggisme (opposition) très raisonnables, et dont l’avis était d’établir une constitution