Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/334

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de voir renaître, que depuis long-temps elle semblait être abandonnée et oubliée.

« Il serait singulier, dit-elle en murmurant d’un ton grondeur (car le rang de lord Glenallan avait quelque chose d’imposant), il serait singulier de commander à une mère de quitter sa propre maison au moment où le corps de son fils aîné vient d’en être enlevé, et lorsque ses yeux sont encore pleins de larmes. »

Le pêcheur, d’un ton dur et sombre, ajouta quelque chose dans le même sens. « Ce n’est pas le jour de raconter vos vieilles histoires, ma mère. Milord, puisque c’est un lord, peut revenir quelque autre jour, où il peut dire ce qu’il a à dire devant nous s’il veut, personne ne s’inquiétera de l’écouter, non plus que vous, ma mère. D’ailleurs, lord ou paysan, gentilhomme ou fermier, je ne quitterai ma maison pour le plaisir de personne le jour même où mon pauvre… »

Ici sa voix s’étouffa et il ne put achever ; mais comme il s’était levé quand lord Glenallan était entré, et que depuis il était resté debout, il se jeta alors brusquement sur un siège, de l’air sombre et résolu de quelqu’un qui est décidé à tenir parole.

Mais la vieille, à qui cette crise semblait rendre dans toute leur supériorité les facultés intellectuelles qu’elle avait autrefois possédées à un degré éminent, se leva, et s’avançant vers lui, lui dit d’une voix solennelle : « Mon fils, si vous voulez éviter d’entendre la honte de votre mère, si vous ne voulez pas être témoin volontaire de l’aveu de son crime, si vous souhaitez d’échapper à sa malédiction et d’en être béni, je vous somme par ce corps qui vous a porté et qui vous a nourri, de me laisser la liberté de parler avec lord Geraldin. Obéissez, afin que, lorsque vous couvrirez ma tête de terre… oh ! puisse le jour en arriver bientôt ! pourquoi le jour n’en est-il pas venu ?… vous vous rappeliez ce moment sans avoir à vous reprocher d’avoir désobéi au dernier commandement que votre mère vous donna sur la terre. »

Les termes de cet ordre solennel réveillèrent dans le cœur du pêcheur cette habitude d’obéissance aveugle dans laquelle sa mère l’avait élevé et à laquelle il s’était soumis tant qu’elle avait conservé la faculté de l’exiger. Un souvenir qui s’offrit alors à son esprit vint encore fortifier le nouveau sentiment qui le dominait. Il jeta les yeux sur le lit où le corps avait reposé, et murmura à voix basse… « Lui ne me désobéit jamais avec ou sans raison, pourquoi donc la contrarierais-je ? » Prenant alors le bras de sa femme malgré sa ré-