Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/331

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bres. Moi qui n’ai pleuré, qui ne puis plus pleurer sur personne, j’ai plus besoin que lui que vous pleuriez tous sur moi. »

La voix de sa mère, que depuis tant d’années il n’avait pas entendue prendre part aux devoirs actifs de la vie, et dont il n’avait reçu ni avis ni consolations, produisit son effet sur le fils. Il se leva, s’assit sur le bord du lit, et son air, son attitude, ses gestes, cessant d’offrir l’image d’un désespoir furieux, n’exprimèrent plus que l’abattement de la plus profonde douleur. La grand’mère alla reprendre son siège ordinaire, et la mère prit machinalement dans sa main une bible déchirée dans laquelle elle parut lire, quoique ses yeux fussent noyés de larmes.

Ils étaient tous trois dans cette position, lorsqu’un coup violent se fit entendre à la porte.

« Eh bon Dieu ! dit la pauvre mère, qui peut venir de la sorte en ce moment ? ceux-là sûrement ne connaissent pas notre malheur. »

Le coup ayant été répété, elle se leva et alla ouvrir la porte en disant d’un ton grondeur : « Qui vient ainsi troubler une maison de deuil ? »

Un homme d’une haute taille et vêtu de noir se présenta devant elle ; elle reconnut sur-le-champ lord Glenallan.

« N’y a-t-il pas, dit-il, dans cette chaumière, ou dans une des chaumières voisines, une vieille femme nommée Elspeth, et qui a long-temps demeuré à Craigburnsfoot de Glenallan.

— C’est ma belle-mère, milord, dit Marguerite ; mais elle ne peut voir personne en ce moment. Hélas ! nous venons d’être frappés d’un bien grand coup : nous avons eu une cruelle épreuve !

— Dieu me préserve, dit lord Glenallan, de venir troubler inconsidérément votre douleur ; mais mes jours sont comptés ; votre belle-mère est au dernier période de la vieillesse, et si je ne la vois pas aujourd’hui, nous pouvons ne plus nous rencontrer dans ce monde.

— Et que pouvez-vous voir, répondit la mère affligée, dans une pauvre femme cassée p^r l’âge et le chagrin ? Gentilhomme ou autrement, personne ne passera le seuil de ma porte le jour où il a été franchi par le corps de mon garçon. »

Tout en parlant- ainsi, et s’abandonnant à l’irritabilité de son caractère et de son état, qui commençait à se mêler à sa douleur, dont la première explosion était passée, elle tenait la porte entr’ouverte, et s’était placée dans l’ouverture, comme pour en rendre l’entrée impossible au visiteur. Mais la voix de son mari se fit en-