Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/327

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point l’endurcissement de son désespoir les pénétrait d’effroi et même d’horreur.

Dans cet instant l’assemblée funèbre fut complète par l’arrivée de deux ou trois personnes qu’on avait attendues de Fairport. Le vin et les liqueurs circulèrent de nouveau, et les complimens muets furent encore une fois échangés. La vieille grand’mère, pour la seconde fois, prit un verre dans sa main, en but le contenu, et s’écria avec une espèce de rire : « Ha, ha ! j’ai goûté du vin deux fois dans un jour… Depuis quand cela m’était-il arrivé, messieurs ?… pas depuis… » Ici s’évanouit la vivacité passagère qui avait ranimé ses traits, et, reposant le verre, elle retomba sur le siège d’où elle s’était levée pour le saisir.

Lorsque l’étonnement général se fut dissipé, M. Oldbuck, dont le cœur saignait à ce spectacle qu’il considérait comme les divagations d’un esprit affaibli luttant contre l’engourdissement glacé de la vieillesse et de la douleur, fit observer à l’ecclésiastique qu’il était temps de commencer la cérémonie. Le père était incapable de donner aucun ordre ; mais le plus proche parent de la famille fit un signe au charpentier, qui dans des cas semblables remplit le devoir de fossoyeur, de se mettre à l’ouvrage. Le craquement des clous à vis annonça que le couvercle de cette dernière demeure de l’homme allait être refermé pour toujours sur celui qui l’occupait. Cet acte qui nous sépare à jamais même des dernières dépouilles de la personne que nous pleurons, a généralement son effet sur les cœurs les plus indifférens, les plus égoïstes et les plus durs. Par un esprit de contradiction qu’on nous pardonnera de regarder comme un étroit préjugé, les Pères de l’église écossaise rejetaient même dans un moment aussi solennel toute espèce de prière à la Divinité, de peur qu’on ne les accusât d’approuver les rituels de Rome et de l’anglicanisme. Par l’effet d’un jugement plus libéral et plus sage, la plus grande partie des ecclésiastiques écossais ont maintenant adopté la coutume de saisir ce moment pour prononcer une prière et une exhortation propres à faire impression sur les vivans pendant qu’ils ont encore présens à leurs yeux les restes de celui qui si peu de temps auparavant était semblable à eux-mêmes, et qui est alors ce qu’ils doivent aussi devenir un jour. Mais cette coutume judicieuse et louable n’était pas encore adoptée au temps dont nous parlons, ou du moins M. Blattergowl ne s’y conforma pas, et la cérémonie commença sans aucun exercice de dévotion.

La bière, couverte d’un drap mortuaire et soutenue sur des bar-