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du mendiant, et comme un mauvais joueur d’échecs, chaque fois qu’il échouait dans sa marche, il donnait plus de prise sur lui à son adversaire.

« Ainsi vous soutenez que vous n’aviez aucune affaire particulière à communiquer à milord ?

— C’était au sujet de ces brimborions que j’ai apportes du continent, dit Édie ; je sais que vos papistes sont amateurs de ces reliques de saints et d’église qui viennent de loin.

— Par ma foi ! il faudrait que mon maître fût devenu tout-à-fait fou, Édie, pour se mettre dans un émoi semblable à propos de quoi que vous eussiez pu lui apporter.

— Vous n’êtes peut-être pas très éloigné de la vérité, mon camarade ; il se peut faire que le laird ait eu de grands chagrins dans sa jeunesse, et parfois cela suffit pour troubler la raison aux gens.

— Ma foi, Édie, ce que vous dites là est la vérité ; et, puisqu’il est probable que vous ne reviendrez jamais par ici, ou que, si vous y revenez, je n’y serai plus, je vous dirai donc que dans son jeune temps il a eu des peines si violentes que je m’étonne qu’il y ait résisté si long-temps.

— Ah ! vraiment ? dit Ochiltree ; c’était sûrement au sujet d’une femme ?

— Vous l’avez deviné tout juste, répondit Macraw ; c’était une de ses cousines, miss Éveline Neville, comme on l’appelait. Cela fit du bruit alors dans le pays ; mais comme cette affaire regardait des grands, elle fut bientôt assoupie. Il y a plus de vingt ans de cela. Oh ! oui, il doit y avoir vingt-trois ans.

— J’étais en Amérique alors, dit le mendiant, et hors de portée de savoir les histoires du pays.

— On n’en parla pas long-temps, dit Macraw. Il aimait la jeune demoiselle et voulait l’épouser ; mais sa mère le découvrit, et ce fut alors le diable. À la fin la pauvre fille se jeta du haut du rocher de Craigburnsfoot dans la mer, et voilà comment cela finit.

— Oui, pour la pauvre demoiselle, dit le mendiant ; mais non pour le comte, à ce que je suppose.

— Il n’en verra la fin qu’avec celle de sa vie, reprit le naturel du comté d’Aberdeen.

— Mais pourquoi la vieille comtesse empêcha-t-elle ce mariage ? continua le persévérant questionneur.

— Pourquoi ? Elle ne le savait peut-être pas bien elle-même, car il fallait qu’on obéît à sa volonté sans s’informer si elle était juste ou