Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/289

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« Eh bien, bonne mère, dit-il, je ferai votre commission, ou il n’y aura pas de ma faute ; mais sûrement jamais présent si précieux ne fut envoyé à un comte de la part d’une vieille femme de pêcheur, et par l’entremise d’un vieux mendiant comme moi. »

Après cette réflexion, Édie prit son bâton ferré, mit son chapeau à larges bords, et partit pour sa destination ; la vieille femme resta quelque temps debout dans une attitude immobile, les yeux tournés vers la porte par laquelle son messager venait de sortir. Peu à peu l’apparence de vivacité que cette conversation avait excitée en elle abandonna ses traits ; elle retomba sur son siège accoutumé, et reprit son fuseau et sa quenouille avec son air habituel d’apathie.

Cependant Édie Ochiltree avançait dans son voyage. La distance jusqu’à Glenallan était de dix milles, et le vieux soldat en mit environ douze à accomplir cette marche avec la curiosité naturelle aux habitudes oisives de son état et à l’activité de son imagination. Il se tourmenta tout le long du chemin pour deviner quel pouvait être le but du mystérieux message dont il était chargé, et quel rapport l’orgueilleux, le riche et puissant comte de Glenallan pouvait avoir avec les crimes ou le repentir d’une vieille femme presque en enfance, dont le rang dans la société était fort peu supérieur à celui de son messager. Il essaya de se rappeler tout ce qu’il avait jamais su ou entendu dire de la famille Glenallan, et après l’avoir fait, il n’en fut pas plus habile à former aucune conjecture sur ce sujet. Il savait que les grands biens et les riches domaines de cette ancienne et puissante famille étaient dévolus à la comtesse qui venait de mourir, et qui avait hérité de la manière la plus remarquable du caractère sévère, hautain et inflexible, qui avait distingué la maison de Glenallan depuis qu’elle avait commencé à figurer dans les annales de l’Écosse. Comme le reste de ses ancêtres, elle était restée attachée avec zèle à la foi catholique romaine, et avait épousé un gentilhomme anglais de la même communion et d’une grande fortune, qui n’avait survécu que deux ans à ce mariage. La comtesse s’était donc trouvée fort jeune avec l’administration absolue des grands biens de ses deux fils. L’aîné, lord Geraldin, qui devait succéder au titre et à la fortune de Glenallan, avait été totalement dépendant de sa mère tant qu’elle vécut. Le second, à sa majorité, prit le nom et les armes de son père, et se mit en possession de ses domaines, suivant les conditions du contrat de mariage de la comtesse. À compter de cette époque, il avait presque toujours habité l’Angleterre, et n’avait fait à sa mère et à son frère que des visites