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gneux et de peu de dépense, il fut bientôt en état d’augmenter considérablement sa fortune paternelle. Il n’avait que deux fils, dont, comme nous l’avons déjà fait entendre, le laird actuel était le plus jeune, et deux filles, dont l’une florissait encore dans les douceurs du célibat, tandis que l’autre, qui était beaucoup plus jeune, avait contracté un mariage d’inclination avec un capitaine du 42e, qui n’avait pour tout bien que sa compagnie et une généalogie écossaise. La pauvreté troubla une union que l’amour aurait pu rendre heureuse, et le capitaine Mac-Intyre, dans l’intérêt de ses deux enfans, un garçon et une fille, s’était vu obligé d’aller chercher fortune aux Indes orientales. Ayant été commandé dans une expédition contre Hyder Aly, le détachement auquel il appartenait fut taillé en pièces, et sa femme infortunée ne sut jamais s’il avait péri sur le champ de bataille, s’il avait été égorgé en prison, ou s’il avait survécu dans une captivité que le caractère du tyran indien rendait sans espérance. Elle succomba sous le double poids de l’incertitude et de la douleur, laissant un fils et une fille à la charge de son frère le laird actuel de Monkbarns.

L’histoire de ce propriétaire lui-même ne sera pas longue. N’étant, comme nous l’avons dit, qu’un second fils, son père l’avait destiné à prendre part à des entreprises commerciales d’un avantage solide, auxquelles s’adonnaient quelques uns de ses parens maternels ; mais l’esprit de Jonathan n’ayant jamais pu se concilier avec ce projet, il fut mis en apprentissage chez un procureur, où il profita au point d’être bientôt au courant de toutes les formes d’investitures féodales, et se plaisait tellement à expliquer leurs bizarreries et à remonter à leur origine, que son patron avait conçu la plus vive espérance de le voir un jour un habile notaire. Mais il s’arrêta sur le seuil de la porte doctorale, et quoiqu’il eût acquis quelque connaissance de l’origine et du système des lois de son pays, on ne put jamais lui persuader d’en faire un usage pratique et lucratif. Ce n’était pourtant pas par insouciance des avantages attachés à la possession de l’argent, qu’il trompait ainsi les espérances de son maître : « S’il était étourdi, inconsidéré, ou rei suæ prodigus, disait son patron, je le comprendrais ; mais jamais il ne donne un schelling sans examiner soigneusement la monnaie qu’on lui rapporte. Pour lui une pièce de six-pences va plus loin qu’une demi-couronne avec tout autre[1] ; il restera ici des jours entiers à méditer

  1. Un schelling faut 1 franc 20 centimes ; un six-pences, 60 centimes ; half-crown, une demi-couronne, 2 francs 50 centimes. a. m.