Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/220

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de mieux à faire que de m’établir ici en attendant ma fin, comme un vieux chien qui va traîner au coin d’un buisson ou dans quelque fosse, sa laide et mutilée carcasse, pour en épargner la vue aux vivans quand il sera mort ; et puis quand les chiens aboieront à la porte de la ferme isolée, la ménagère s’écriera : Paix ! paix ! vous autres, c’est le vieil Édie ! et les petits enfans viendront en chancelant à la porte pour ouvrir à la vieille robe bleue qui leur raccommodait leurs joujoux. Mais n’y aura plus d’Édie alors. »

Il conduisit ensuite Lovel, qui le suivait sans résistance, dans une des cavités intérieures de la caverne. « Ici, dit-il, est un petit escalier tournant qui communique à la vieille église. Il y a des gens qui disent que ce lieu fut creusé par les moines, il y a bien longtemps, pour y cacher leurs trésors ; d’autres ajoutent qu’ils avaient coutume d’introduire par là de nuit, dans l’abbaye, des choses qu’ils ne se souciaient pas d’y apporter ouvertement et en plein jour ; il y en a qui racontent aussi qu’un des leurs devint un saint (ou voulut peut-être le faire accroire), et qu’il s’établit dans cette cellule de Saint-Ruth (ainsi que les gens d’autrefois appelaient ce lieu), et que c’est lui qui fit construire cet escalier afin de pouvoir monter à l’église quand on y célébrait le service divin. Le laird de Monkbarns aurait de quoi parler sur ce sujet (comme il fait souvent pour de moindres) s’il connaissait seulement ce lieu. Mais qui peut décider s’il fut fait pour servir aux desseins de l’homme ou au service de Dieu ? J’ai vu bien des choses s’y passer de mon temps, et j’ai moi-même pris part à bien d’autres, oui, dans cette même caverne sombre. Plus d’une ménagère s’étonnait de n’avoir pas entendu chanter le matin le coq du logis, tandis que nous l’avions fait rôtir dans ce trou noir, la pauvre bête !… Hélas ! je voudrais n’avoir jamais fait pire que cela ! Quel bruit nous faisions ici, au milieu même des entrailles de la terre, et quelles frayeurs nous avons causées à Saunders Ackwood, qui était garde forestier dans ce temps-là, et qui est le père de Rigan, lequel vit encore, quand il s’en allait le soir battant le bois et veillant sur le gibier du laird, et qu’il apercevait la lueur des torches qui perçaient l’ouverture de la caverne, et jetaient çà et là leur éclat sur les noisetiers qui sont en face ! Il fallait entendre ensuite raconter à Saunders ses histoires des esprits et des sorciers qui hantaient le bois le soir, et des feux qu’il y avait vus, et des cris qui avaient frappé ses oreilles, quand il n’y avait d’autres yeux ouverts que les siens ! Et c’était à moi et à mes compagnons qu’il venait répéter ces histoires d’apparitions, et il fallait