Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/219

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Ces pénibles réflexions ne furent pas interrompues par la conversation de son guide, qui, le précédant à travers le taillis, tantôt en écartait les branches pour lui rendre le passage plus facile, tantôt l’exhortait à se hâter, et murmurait entre ses dents, selon la coutume d’un âge souvent solitaire et négligé, des mots qui auraient échappé à l’oreille de Lovel, eût-elle été plus attentive, et qui même, lorsqu’il les aurait entendus, étaient trop séparés et trop décousus pour présenter un sens bien lié. Cette habitude de se parler à soi-même se fait souvent remarquer chez des gens de l’âge et de la profession du mendiant.

À la fin Lovel, affaibli par son indisposition récente, par les sensations pénibles qui l’agitaient et les efforts qu’il avait dû faire pour suivre son guide dans un sentier si escarpé, commençait à se ralentir et à rester en arrière, lorsque deux ou trois pas dangereux l’amenèrent tout à coup en face d’un précipice presque entièrement couvert de broussailles. Là une caverne, dont l’entrée était aussi étroite qu’une tanière de renard, était indiquée par une petite fente dans le rocher, recouverte par les rameaux d’un vieux chêne qui, tenant solidement à la partie supérieure du rocher par ses racines épaisses et tortueuses, jetait en avant ses longues branches, assez pendantes pour cacher parfaitement l’entrée du souterrain. Elle pouvait même échapper à l’attention de ceux qui se seraient tenus tout près, tant la fente par laquelle le mendiant se glissa semblait inaccessible ; mais dans l’intérieur la caverne était plus haute et plus spacieuse qu’on ne l’aurait pensé. Deux branches opposées, qui se réunissaient au milieu, formaient un emblème de la croix et indiquaient que ce lieu avait servi jadis de retraite à quelque anachorète. Il y a beaucoup de grottes de cette espèce dans les différentes parties de l’Écosse. Je ne citerai que celle de Gorton, près de Roslyn, site bien connu des admirateurs d’une nature pittoresque.

Le jour qu’admettait celle-ci n’était qu’un crépuscule incertain qui cessait tout-à-fait quand on s’enfonçait dans ses profondeurs. « Peu de gens connaissent ce lieu, dit le vieillard ; autant que je m’en souviens, il n’existe plus maintenant que deux personnes, sans me compter, et c’est Jack Jingling et Lang Linker… J’ai pensé plus d’une fois, que quand je serais trop vieux, abandonné, et incapable de jouir plus longtemps des bienfaits de l’air, je me traînerais ici avec une petite provision de farine d’avoine, et voyez, il y a là une source qui coule toujours, hiver comme été, et je n’aurais rien