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CHAPITRE XXI.

LA CAVERNE DE SAINT-RUTH.


Le seigneur abbé avait une âme de feu et qui en réunissait aussi toutes les propriétés, ardente, subtile et pénétrante. Il descendait par des escaliers magiques dans des profondeurs souterraines semblables à l’enfer, comme si l’or était commis à la garde des démons ; car il est certain qu’il en rapportait de là. — Cet or était caché dans des caves qui ne sont connues que de moi seul.
La Merveille d’un royaume.


Lovel suivait presque machinalement le vieillard, qui le conduisait d’un pas ferme et rapide à travers des taillis et des buissons, évitant le sentier battu et se retournant souvent pour écouter si personne ne les poursuivait. Quelquefois ils descendaient dans le lit même du torrent, quelquefois ils suivaient un sentier étroit et peu sûr, que les moutons, qui devaient à la négligence qu’on remarque généralement en Écosse pour les propriétés de ce genre, la liberté de paître dans les bois, avaient tracé eux-mêmes sur sa lisière. De temps en temps Lovel pouvait apercevoir le sentier qu’il avait parcouru la veille, dans la société de sir Arthur, de l’Antiquaire et des deux jeunes demoiselles. Abattu, embarrassé, agité de mille inquiétudes comme il l’était alors, que n’aurait-il pas donné cependant pour retrouver ce sentiment intérieur d’innocence qui, lui seul, peut balancer tant de maux ! « Et si, comme j’étais alors, pensait-il involontairement dans son trouble, si, exempt de reproches et estimé de ceux qui m’entouraient, je me trouvais encore à plaindre, que dirai-je donc maintenant que mes mains sont teintes du sang de ce jeune homme ? maintenant que le sentiment d’orgueil qui me poussa à cette action m’abandonne, comme le démon lui-même abandonne, dit-on, le mortel qu’il vient d’entraîner au crime. » Tout, jusqu’à son affection pour miss Wardour, fut un moment oublié devant les premières angoisses du remords, et il pensait qu’il consentirait avec joie à supporter les tourmens d’un amour dédaigné, pour pouvoir se retrouver comme il était le matin, avec une conscience pure et dégagée du poids accablant d’avoir versé le sang d’autrui.