Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/217

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sur son bras, sa première exclamation fut : « Ce n’est rien, ce n’est rien ; donnez-nous les autres pistolets. » Cependant il ajouta un moment après, d’une voix plus faible : « Je crois que j’en ai assez ; et, ce qu’il y a de pire, je crains de n’avoir que ce que je mérite. Monsieur Lovel, ou quel que soit votre nom, fuyez, sauvez-vous… ; soyez tous témoins que c’est moi qui ai provoqué cette affaire. » Puis se soulevant encore sur son bras, il ajouta : « Lovel, donnez-moi la main ; je suis convaincu que vous êtes un gentilhomme : pardonnez-moi mon impertinence comme je vous pardonne ma mort… Ma pauvre sœur ! »

Le chirurgien arriva pour jouer son rôle dans cette tragédie ; Lovel restait immobile à contempler le mal dont il était la cause active, quoique involontaire, avec des yeux troublés et égarés. Il fut tiré de sa stupeur par le mendiant. « Pourquoi restez-vous là à regarder vos œuvres ? ce qui est ordonné doit s’accomplir ; ce qui est fait ne peut plus se réparer. Mais fuyez, si vous voulez sauver votre jeune tête d’une mort honteuse. Je vois venir là-bas des hommes qui arrivent trop tard pour vous séparer, mais, hélas ! assez et trop tôt pour vous entraîner en prison.

— Il a raison ! il a raison ! s’écria Taffril ; il ne faut pas vous exposer à suivre la grande route ; enfoncez-vous dans les bois jusqu’à la nuit ; mon brick sera sous voiles alors, et à trois heures du matin, si la marée nous sert, j’enverrai une barque vous attendre au Mussel-Crag. Mais partez, partez, pour l’amour de Dieu.

— Ah ! oui, fuyez, fuyez, répéta le blessé, dont la voix était entrecoupée de mouvemens convulsifs.

— Venez avec moi, dit le mendiant en l’entraînant presque par force ; le conseil du lieutenant est le meilleur. Je vous mènerai dans un endroit où vous pourriez rester caché, quand même ils mettraient des limiers à votre poursuite.

— Allez, allez, dit le lieutenant ; rester ici est une véritable démence.

— C’en était une plus grande d’y venir, dit Lovel en lui prenant la main ; mais adieu. » Et il suivit Ochiltree dans les profondeurs des bois.