Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/194

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voix s’écrièrent à la fois : « Nous ne voulons pas de charbonnier dans nos jeux de chevalerie ! » Irrité jusqu’à la frénésie, Martin tira son épée, et renversa le héraut qui, pour obéir au cri général, s’était opposé à son entrée. Un millier d’épées sortirent du fourreau pour venger un crime qui, dans ces temps, ne pouvait être surpassé que par le sacrilège ou le régicide. Waldeck, après s’être défendu comme un lion, fut saisi, jugé, et condamné sur l’heure, par les juges de la lice, au châtiment décrété contre celui qui a violé la paix de son souverain et attenté à la personne sacrée d’un héraut d’armes, c’est-à-dire à avoir la main droite coupée, à être honteusement privé des honneurs de la noblesse, dont il se montrait indigne, et chassé de la ville. Après avoir été dépouillé de ses armes et avoir subi la mutilation imposée par la rigoureuse sentence, cette malheureuse victime de l’ambition fut abandonnée à la populace qui, le traitant alternativement de tyran et de magicien, le suivit avec des cris et des menaces qui finirent par des actes de violence. Ses frères (car son cortège s’était dispersé par la fuite) ne réussirent à l’arracher des mains de cette multitude furieuse, que lorsque, rassasiée de cruauté, elle l’eut laissé à moitié mort par suite de la perte de son sang et des coups qu’il avait reçus. Mais la barbarie ingénieuse de ses ennemis ne leur permit pas de se servir d’autre moyen de transport pour l’enlever, que d’une charrette à charbon, semblable à celle dont il avait anciennement fait usage, et dans laquelle ses frères le déposèrent sur une botte de paille, espérant à peine arriver avec lui dans un lieu de refuge, avant que la mort vînt mettre un terme à ses souffrances.

Lorsque les Waldeck, qui poursuivirent leur route de cette déplorable manière, furent près des limites de leur pays natal, ils aperçurent dans un chemin creux, entre deux montagnes, une figure qui s’avançait vers eux, et qui d’abord leur parut celle d’un homme âgé. Mais à mesure qu’ils approchaient, ses membres et sa taille s’agrandirent, son bâton de pèlerin se changea en un sapin déraciné, et la figure gigantesque du démon de Hartz leur apparut encore, avec toutes ses terreurs. Quand il se trouva en face de la charrette sur laquelle gisait le misérable Waldeck, ses traits monstrueux se détendirent, et laissèrent éclater un rire infernal, peignant à la fois le mépris et une inexprimable malignité, tandis qu’il adressait cette question au patient : « Comment te trouves-tu du feu que mes bûches ont allumé ? » La faculté de se mouvoir suspendue par l’effroi qui glaçait ses frères, sembla se ranimer dans