Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/193

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guerres publiques, aussi bien que dans les querelles particulières, et le nombre de dépendans qu’il payait autour de sa personne, le soutinrent quelque temps contre le ressentiment et la haine qu’avaient excités son élévation subite et l’arrogance de ses manières.

L’exemple de Martin Waldeck vint alors se joindre à beaucoup d’autres pour prouver qu’il n’existe pas d’homme qui puisse prévoir l’effet qu’une prospérité inattendue aura sur son caractère. Ses mauvais penchans naturels, que la pauvreté avait contenus et réprimés, se développèrent sous l’influence fatale de la tentation, et les moyens de s’y livrer produisirent les plus tristes résultats. Comme il est rare qu’on ne s’enfonce pas de plus en plus dans le mal, une passion criminelle en amena une autre. Le démon de l’avarice évoqua celui de l’orgueil, et cet orgueil ne pouvait se soutenir que par l’oppression et la cruauté. Le caractère de Waldeck, toujours hardi et entreprenant, mais devenu arrogant et cruel par la prospérité, le rendit bientôt odieux non seulement aux nobles, mais encore aux rangs inférieurs, qui virent avec un double ressentiment les droits oppressifs de la noblesse de l’Empire exercés d’une manière aussi absolue par un homme sorti de la lie du peuple ; son aventure, quoique soigneusement cachée, commença aussi à s’ébruiter, et le clergé ne fut pas lent à désigner et à couvrir de honte, comme un sorcier et un complice des démons, celui qui, après avoir acquis d’une telle manière un si immense trésor, n’avait pas cherché à en sanctifier l’acquisition en en consacrant une partie considérable aux besoins de l’Église. Entouré d’ennemis publics et privés, environné de mille haines et menacé de l’excommunication de l’Église, Martin Waldeck, ou plutôt, comme on l’appelait alors, le baron Von Waldeck, regretta plus d’une fois avec amertume les travaux et les délassemens de son obscure pauvreté. Cependant au milieu de tant d’écueils son courage ne l’abandonna pas, et sembla plutôt augmenter en proportion que ces dangers s’accumulaient autour de lui. Mais un accident vint accélérer sa ruine.

Une proclamation du duc de Brunswick alors régnant avait invité à un tournoi solennel tous les nobles allemands d’une naissance honorable et sans tache, et Martin Waldeck, armé avec magnificence et accompagné de ses deux frères et d’une suite nombreuse et brillante, eut l’insolence de paraître parmi les chevaliers de la province, et de demander la permission d’entrer en lice. Ceci fut regardé comme mettant le comble à son audace. Mille