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vais aller leur demander une lumière pour allumer mon feu. » En même temps il abandonna le projet d’éveiller ses frères, car on croyait généralement qu’il fallait être seul pour entreprendre des aventures du genre de celle qu’il était sur le point de tenter. Il craignait aussi que la timidité scrupuleuse de ses frères ne s’opposât à la poursuite de l’examen qu’il avait résolu de faire ; ainsi donc, détachant sa pique du mur, l’intrépide Martin Waldeck partit tout seul pour cette entreprise.

Avec le même bonheur que son frère George, mais animé d’un courage bien supérieur, Martin traversa le torrent, gravit la montagne, et s’approcha assez près de l’assemblée des esprits pour pouvoir reconnaître dans la figure principale les attributs du démon de Hartz. Pour la première fois de sa vie, un frisson parcourut ses veines ; mais en se rappelant qu’il avait défié, et même désiré de loin la circonstance qui se présentait alors, il sentit se fortifier son courage, et l’orgueil suppléant à la fermeté qui pouvait lui manquer, il s’avança avec assez de résolution vers le feu ; les figures qui l’environnaient lui paraissaient de plus en plus sauvages, fantastiques et surnaturelles, à mesure qu’il s’en approchait. Il fut accueilli par des éclats de rire rauques et bizarres qui parurent plus effrayans à ses oreilles étourdies que la réunion des sons les plus funestes et les plus lugubres qu’on pût imaginer. « Qui es-tu ? dit le géant en s’efforçant de donner à ses traits farouches et disproportionnés une sorte de gravité, tandis qu’ils étaient agités par les grimaces d’un rire qu’il cherchait en vain à réprimer.

— Martin Waldeck le bûcheron, répondit l’intrépide jeune homme. Et vous, qui êtes-vous ?

— Le roi de la forêt et de la mine, répondit le spectre. Et qui te donne l’audace de venir troubler mes mystères ?

— Je suis venu chercher une lumière pour allumer mon feu, » répondit Martin hardiment ; et puis sans s’intimider il demanda à son tour : « Quels mystères sont ceux que vous célébrez ici ?

— Nous célébrons, répondit le démon complaisant, les noces d’Hermès avec le dragon noir. Mais prends le feu que tu es venu chercher, et pars : nul mortel ne peut nous regarder long-temps et vivre. »

Le paysan enfonça la pointe de sa pique au milieu d’une large bûche enflammée qu’il souleva avec quelque peine, et avec laquelle il reprit son chemin vers la cabane ; les éclats de rire recommencèrent derrière lui avec une triple violence, et retentirent bien loin