Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/187

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res du pays, qui restons exposés à la merci du démon offensé, et qui devons payer pour tous. Dans l’irritation que ces réflexions occasionnèrent, les paysans, après les injures, en vinrent aux coups de pierres ; et après avoir presque lapidé le pauvre prêtre, ils le chassèrent de la paroisse, afin qu’il allât prêcher ailleurs contre les démons. Trois jeunes gens qui avaient été présens dans cette occasion et y avaient même pris part, s’en retournaient dans leur cabane, où ils s’adonnaient à la pénible et vile occupation de faire du charbon pour le service des forges. En chemin la conversation tomba naturellement sur le démon de Hartz et sur les sermons du capucin. Max et George Waldeck, les deux frères aînés, tout en convenant que les paroles du moine avaient été indiscrètes et dignes de blâme, comme portant un jugement téméraire sur la nature du démon et le séjour qu’il habitait, soutenaient pourtant qu’il était dangereux d’accepter ses dons ou d’entretenir aucune relation avec lui. Il était puissant, il est vrai, mais fantasque et capricieux, et ceux qui avaient eu des rapports avec lui avaient rarement fait une bonne fin. C’était lui qui avait donné au brave chevalier Ecbert de Rabeuwald ce fameux cheval noir qui l’avait rendu vainqueur de tous les champions au tournoi de Bremen ; mais ce même coursier ne s’était-il pas précipité avec son cavalier dans un abîme si terrible et si profond, que l’homme ni le cheval n’avaient jamais reparu depuis ? Si la dame Gertrude en avait obtenu un merveilleux secret pour faire venir le beurre, n’avait-elle pas fini par être brûlée comme sorcière, par le grand-juge criminel de l’électorat, pour s’être servie de ce don ? À ces exemples ils en joignirent encore d’autres des malheurs et de la fatalité qui avaient fini par suivre les bienfaits apparens du démon de Hartz. Mais ils eurent beau dire, rien de tout cela ne produisit d’impression sur l’esprit de Martin Waldeck, leur plus jeune frère.

Martin était jeune, impétueux et téméraire ; il excellait dans tous les exercices qui distinguent un montagnard, et les dangers qui les accompagnent l’avaient rendu brave et intrépide. Il rit de la timidité de ses frères. « Ne me contez pas de pareilles sottises, dit-il, le démon est un bon démon ; il vit parmi nous comme s’il était un de nos paysans ; il fréquente les rochers solitaires et les cavernes des montagnes, comme un pâtre et comme un chasseur ; et celui qui se plaît dans la forêt de Hartz et au milieu de ses sites sauvages, ne peut pas être indifférent au sort des robustes enfans du sol. Mais quand le démon serait aussi malicieux que vous le dites,