Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/175

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vière va se jeter dans un vallon[1], sur les bords rocailleux et élevés duquel se sont réfugiés des arbres et des arbrisseaux de toute espèce, qui croissent avec une profusion d’autant plus agréable qu’elle forme un contraste inattendu avec la surface générale du pays. On rencontrait des sites de ce genre en approchant des ruines de Saint-Ruth par un petit chemin qui s’étendait le long d’une montagne escarpée et stérile, et qui d’abord ne semblait être qu’un sentier traversé par des bestiaux. Mais par degrés et à mesure qu’il allait en descendant, et s’enfonçait dans les détours de la montagne, on commençait à voir paraître des arbres d’abord écartés les uns des autres, rabougris et dépouillés, et dont les troncs, couverts en quelques endroits de flocons de laine, offraient dans l’intérieur des creux où les moutons aiment tant à se reposer : spectacle plus agréable aux yeux d’un admirateur du genre pittoresque qu’à ceux d’un cultivateur ou d’un propriétaire de forêts. Peu à peu les arbres se formèrent en groupes entourés d’épines et de broussailles, et à la fin ces groupes se rapprochèrent tellement que, quoiqu’ils s’ouvrissent çà et là pour former une large clairière, ombragée de leurs rameaux, et qu’on rencontrât de temps à autre un petit espace nu, de marais ou de bruyère stérile qui avait refusé de nourrir les jets que les arbres poussaient autour d’eux, l’aspect de ce lieu dans son ensemble était décidément celui d’une forêt. Les bords de la vallée commencèrent à se rapprocher, on entendit au dessous le bruit d’un ruisseau, et à travers les ouvertures du bois on put voir par intervalles ses claires eaux précipiter leur cours rapide sous le dais de verdure qui les couvrait.

Oldbuck s’arrogea alors toute l’autorité d’un véritable cicérone, et recommanda sérieusement à la compagnie de ne pas s’écarter d’un pas du chemin qu’il leur montrait, si elle voulait jouir dans toute sa perfection du spectacle qu’elle venait contempler. « Vous êtes heureuse de m’avoir pour guide, miss Wardour, dit le vieux savant en élevant la main, et, par le mouvement de sa tête, marquant la cadence de ces vers qu’il répéta avec emphase :

« J’ai, dans ma course tributaire,
Parcouru les détours rians

  1. Ici le texte emploie pour désigner le vallon trois synonymes, dells, glens or dens. Le dell désigne proprement un creux ou une vallée profonde ; le glen, un vallon entouré de rochers ; et le den, un petit vallon boisé et en entonnoir, environné aussi de rochers. Il y a encore le mot dale qui s’applique à un vallon se rapprochant de la plaine. a. m.