Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/169

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Hœc data pœna diu viventibus[1]

« Ah ! monsieur Lovel, si votre sort est d’atteindre à cette sombre et mélancolique époque de l’existence, vous vous rappellerez les chagrins de votre jeunesse, comme les légers nuages qui interceptent un moment les rayons du soleil levant. Mais je fatigue vos oreilles de paroles qui n’apportent aucune conviction à votre esprit.

— Je suis sensible à votre bienveillant intérêt, dit le jeune homme ; mais une blessure si récente doit saigner douloureusement ; et dans mon malheur actuel, pardonnez-moi de vous parler ainsi, ce serait une idée peu consolante que celle qui me présenterait l’avenir comme ne me réservant qu’une suite de chagrins toujours plus cruels. Permettez-moi d’ajouter, monsieur Oldbuck, que vous avez moins de raison que tout autre d’envisager la vie sous un aspect aussi triste. Vous avez une fortune aisée, vous jouissez de l’estime publique, vous pouvez, suivant vos propres expressions, vacare Musis[2], vous livrer aux occupations vers lesquelles votre goût vous porte ; vous avez la faculté de choisir votre société au dehors, et vous trouvez dans votre intérieur les soins affectueux et assidus des plus proches parentes,

— Mais oui ; les femelles ! pour mes femelles, grâce à la manière dont je les ai dressées, elles sont fort civiles et fort traitables. Elles ont soin de ne pas me troubler dans mes études du matin, et de traverser doucement la chambre avec le pas léger d’un chat, quand après le dîner ou le thé il m’arrive de faire un somme dans mon fauteuil… Tout cela est fort bien, mais il me faudrait quelque chose de plus, quelqu’un avec qui je pusse échanger mes idées, avec qui je pusse parler enfin.

— Alors, pourquoi n’appelez-vous pas auprès de vous votre neveu, le capitaine Mac Intyre, dont tout le monde parle comme d’un jeune homme plein de vivacité et de feu ?

— Qui ? s’écria Monkbarns, mon neveu Hector ? le Hotspur du nord[3] ? que le ciel m’en préserve ! J’aimerais autant jeter un tison allumé dans mon grenier à foin. C’est un cerveau brûlé, un ferrailleur, avec une généalogie écossaise aussi longue que la grande rue de Fairport, et une claymore aussi longue que sa généalogie, et qu’il dégaina sur le docteur la dernière fois qu’il vint ici. Je l’at-

  1. C’est une peine réservée à ceux qui vivent long-temps. a. m.
  2. Vous donner aux Muses. a. m.
  3. Hotspur, éperon chaud ; personnage historique du temps de Henri IV d’Angleterre, et célèbre par son impétueuse bravoure. Shakespeare a introduit ce caractère dans son drame de Henri IV. a. m.