Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/158

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avoir consulté leurs feuilles, arrangèrent et combinèrent les nouvelles de la soirée, qui se répandirent le lendemain matin dans le monde de Fairport par mille sources différentes, et avec mille variations. Des nouvelles et des conjectures étranges et sans nombre furent les conséquences de ces bruits. Les uns disaient que la maison Tennaut et compagnie était en faillite, et que tous ses billets revenaient protestés ; les autres qu’elle avait contracté avec le gouvernement pour un marché considérable, et qu’elle recevait des lettres des principaux négocians de Glasgow qui désiraient acheter des actions dans cette entreprise. D’une part, le bruit courait que le lieutenant Taffril avait reconnu définitivement son mariage secret avec Jenny Caxon ; d’une autre, qu’il lui avait écrit une lettre où il lui reprochait la bassesse de sa naissance et de son éducation, et lui disait un éternel adieu. On disait partout que les affaires de sir Arthur Wardour étaient perdues sans ressource ; et les gens prudens ne doutaient de ces rapports que parce qu’ils partaient de la boutique de mistriss Mallsetter, source plus célèbre pour la circulation des nouvelles que pour leur exactitude. Mais tout le monde s’accordait à dire qu’un paquet venant du ministère était arrivé à l’adresse de M. Lovel, porté par un dragon d’ordonnance qu’on lui avait dépêché du quartier général d’Édimbourg, et qui avait traversé Fairport au galop sans s’arrêter, si ce n’est pour demander la route de Monkbarns. Les motifs d’un message aussi extraordinaire pour un individu aussi tranquille et aussi retiré que M. Lovel, étaient diversement expliqués. Quelques uns disaient que Lovel était un noble émigré, sommé d’aller commander une insurrection qui venait d’éclater dans la Vendée, d’autres que c’était un espion, d’autres encore que c’était un officier général venu pour visiter secrètement la côte ; enfin il y avait des gens qui voulaient que ce fût un prince du sang voyageant incognito.

En attendant, le paquet qui donnait lieu à tant de réflexions avait éprouvé sur la route de Monkbarns plus d’un péril et d’un retard. Le porteur, David Mailsetter, qui avait aussi peu de ressemblance que possible avec un dragon d’ordonnance, fut porté en avant sur le droit chemin tant que le cheval eut présens à la mémoire le claquement de son instrument ordinaire de correction et la voix du garçon boucher. Mais quand il s’aperçut comment David, dont les petites jambes ne lui permettaient pas de garder l’équilibre, ballottait çà et là sur son dos, il dédaigna d’obéir plus long-temps aux ordres qu’il avait reçus. Il commença donc par ne plus aller qu’au