Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/157

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Quant à cela, mistriss Heukbane, dit la femme aux lettres, en se pinçant les lèvres, vous savez que mon mari aime à se charger des messages lui-même. Il faut penser à son monde avant de penser aux étrangers, et toutes les fois qu’il monte sa jument, il gagne une belle demi-guinée. Je suis bien sûre qu’il ne tardera pas à rentrer, et puis je suppose que c’est à peu près la même chose si le jeune homme ne reçoit sa lettre que ce soir ou demain matin.

— Sinon que M. Lovel, peut-être, sera revenu en ville avant le départ de l’exprès, dit mistriss Heukbane ; et alors, ma chère, où en serez-vous ? Mais, au surplus, vous savez ce que vous avez à faire.

— Eh bien, mistriss Heukbane, répondit mistriss Mailsetter avec un peu d’humeur et même un peu de confusion, vous savez bien que je suis bonne voisine et que j’aime à vivre et à laisser vivre tout le monde, comme on dit ; et puisque j’ai eu la sottise de vous montrer l’ordre de la poste, il n’y a pas de doute qu’il ne faille l’exécuter ; mais je vous suis bien obligée de votre garçon, je n’en aurai pas besoin, j’enverrai le petit David sur votre cheval, et cela sera cinq schellings et trois pences qui nous reviendront à chacune, comme vous savez.

— David ? que le Seigneur vous assiste ! l’enfant n’a pas dix ans, et pour vous parler franchement, notre cheval est un peu rétif, il est sujet à ruer sur la route, et personne ne peut le conduire que Jack.

— J’en suis fâchée, reprit la maîtresse de la poste d’un air grave ; en ce cas il faudra que nous attendions le retour de mon mari, car je ne voudrais pas être responsable d’avoir confié une lettre à votre garçon Jack. Notre David appartient en quelque sorte au bureau.

— Eh bien, en bien, mistriss Mailsetter, je vois où vous en voulez venir ; mais si vous risquez votre enfant, je consens à risquer ma bête. »

Ou donna des ordres en conséquence. Le cheval, qu’on ne consulta pas, fut retiré de son écurie où il reposait sur la paille, et harnaché pour le départ. David, avec le sac de cuir officiel suspendu sur son épaule, fut perché sur la selle, la larme à l’œil et la gaule à la main. Jack eut la complaisance de conduire l’animal hors de la ville, et par le claquement de son fouet et les encouragemens d’une voix trop bien connue, il l’obligea à prendre la route de Monkbarns.

Pendant ce temps les commères, semblables aux sibylles après