Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/146

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« J’ai été quelquefois assez fou, dit-il, pour me livrer à des pensées de ce genre.

— Ah, pauvre garçon ! rien ne peut être plus triste que cela ; à moins pourtant, ce qui arrive quelquefois aux jeunes gens, que vous ne fussiez amoureux de quelque frivole femelle, ce qui vraiment, comme l’a dit si bien Shakspeare, est tout à la fois se servir du fouet et de l’éperon pour courir plus vite à sa perte. »

Il continua ensuite des questions auxquelles il avait quelquefois la complaisance de répondre lui-même ; car le bon vieux gentilhomme, par suite de ses recherches en antiquités, avait contracté le goût de bâtir des conjectures sur des bases qui souvent étaient loin d’offrir la surface nécessaire ; et étant, comme le lecteur a déjà pu le remarquer, passablement entêté, il ne supportait pas facilement d’être redressé, soit sur les faits, soit sur le jugement qu’il en portait, même par ceux qui étaient le plus intéressés aux sujets de ses réflexions. Il poursuivit donc, ébauchant lui-même la carrière littéraire de Lovel.

« Et par où comptez-vous commencer vos débuts d’homme de lettres ? Mais je devine, par la poésie… la poésie… cette aimable séductrice de la jeunesse. Oui, dans la modeste confusion de votre regard et de votre maintien, il y a quelque chose qui m’annonce que j’ai dit juste. Et quel est le genre de vos inspirations ? Êtes-vous disposé à prendre votre essor vers les hautes régions du Parnasse, ou à voltiger seulement autour de la base de la montagne sacrée ?

— Je n’ai encore essayé que quelques morceaux lyriques, dit Lovel.

— Comme je le disais à propos : effleurant les buissons d’un vol modeste. Mais je me flatte que vous prendrez un essor plus hardi. Remarquez cependant que ce n’est pas moi qui voudrais vous encourager à suivre une occupation aussi peu lucrative ; mais ne m’avez-vous pas dit que vous étiez entièrement indépendant des caprices du public ?

— Entièrement, répondit Lovel.

— Et que vous êtes résolu à ne pas adopter un genre de vie plus actif ?

— Telle est en ce moment ma résolution, répondit le jeune homme.

— Alors il ne me reste plus qu’à vous donner les meilleurs avis, et toute l’assistance que je pourrai, sur le genre auquel vous devrez vous livrer. J’ai publié moi-même deux essais dans le Réper-