Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/145

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de marcher d’un pas ferme dans le sentier du devoir ?… Car ce n’est pas seulement envers la société que vous êtes redevable de l’exercice actif de vos facultés, mais vous l’êtes encore par reconnaissance à l’Être suprême, qui vous en fit membre, et qui vous doua des moyens d’être utile à vous et aux autres.

— Mais je n’ai pas la conscience de posséder de telles facultés, dit Lovel avec un peu d’impatience. Je ne demande rien à la société que la permission de continuer paisiblement ma route dans la vie sans heurter les autres, et sans me laisser heurter moi-même ; je ne dois rien à personne. J’ai les moyens de vivre dans une indépendance complète, et mes désirs sont si modérés dans ce pays, que même ces moyens, tout limités qu’ils sont, les surpassent encore.

— Alors, dit Oldbuck en laissant retomber sa main, et en reprenant sa route, si vous êtes assez philosophe pour vous trouver assez riche, il n’y a rien à dire. Je ne me sens pas le droit de vous conseiller ; vous êtes arrivé au pinacle, au sommet de la perfection. Et comment se fait-il que Fairport ait été choisi pour l’asile d’une philosophie si austère ? C’est comme si un sectateur de la vraie religion avait planté son camp au milieu des hordes idolâtres de la terre d’Égypte. Il n’y a pas un homme à Fairport qui ne soit un adorateur dévoué du veau d’or, du Mammon d’iniquité, et moi-même, mon garçon, attrapant l’épidémie de ce maudit voisinage, je me sens quelquefois enclin à des accès d’idolâtrie.

— La littérature faisant mon amusement principal, dit Lovel, et des circonstances, dans le récit desquelles je ne puis entrer, m’ayant décidé à abandonner, au moins pendant quelque temps, le service militaire, j’ai choisi Fairport comme un lieu où je pouvais me livrer à mes occupations favorites, sans en être détourné par aucune de ces tentations qu’un cercle plus élégant de société aurait pu m’offrir.

— Ah, ah ! répondit Oldbuck d’un air de pénétration, je commence à comprendre l’application de la devise de mon aïeul ; vous êtes un candidat à la faveur publique, quoique d’une manière différente de ce que j’avais d’abord supposé ; vous aspirez à briller dans la carrière littéraire, et vous espérez arriver au succès par le travail et la persévérance. »

Lovel, qui se trouvait serré de près par les questions du vieux gentilhomme, conclut qu’il valait autant le laisser dans l’erreur où il venait de tomber.