Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/138

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faisait ses complimens, et restait auprès de son père, et, le prenant par le bras, il l’emmena hors du château.

Knockwinnock conservait encore en grande partie les attributs extérieurs d’une résidence baroniale. Il avait ses ponts-levis, quoiqu’ils ne fussent jamais levés, et ses fossés, à sec il est vrai, mais dont les bords étaient plantés d’arbrisseaux toujours verts : au dessus deux s’élevait le vieux bâtiment, fondé en partie sur un rocher granitique dont la pente s’étendait jusqu’au rivage de la mer, et en partie sur un monticule de gazon qui servait de rebord aux fossés. Outre les arbres de l’avenue dont nous avons déjà parlé, il s’en élevait un grand nombre autour du château, dont la beauté et la grosseur semblaient réfuter ce préjugé que le voisinage de l’Océan nuit à la force de la végétation. Nos promeneurs s’arrêtèrent et se retournèrent pour regarder le château lorsqu’ils furent arrivés à la hauteur d’un monticule traversé par le chemin qui devait les conduire à Monkbarns ; car on supposera facilement qu’ils ne se hasardèrent pas à courir le risque de la marée en retournant par les sables. L’édifice projetait son ombre majestueuse sur le feuillage touffu des arbrisseaux dont il était entouré, tandis que les croisées étincelaient des rayons du soleil qui en frappaient la façade. Chacun d’eux contemplait ce spectacle avec des impressions bien différentes. Lovel, avec l’ardeur avide d’une passion qui s’alimente de bagatelles, de même que le caméléon vit, dit-on, de l’air ou des insectes invisibles qu’il contient ; Lovel s’efforçait de deviner laquelle de ces nombreuses croisées appartenait à l’appartement qu’embellissait alors la présence de miss Wardour. Les méditations de l’Antiquaire avaient une teinte plus sombre, et furent en partie indiquées par l’exclamation de cito peritura[1] ! qu’il fit en se retournant. Lovel, sortant de sa rêverie, le regarda comme pour lui demander l’explication de ces mots sinistres. Le vieux savant secoua la tête : « Oui, mon jeune ami, dit-il, je soupçonne, et mon cœur saigne à cette pensée, que cette ancienne famille est bien près de sa ruine.

— En vérité ! s’écria Lovel ; vous m’étonnez extrêmement.

— C’est en vain que nous cherchons à nous endurcir, dit l’Antiquaire poursuivant le cours de ses pensées et de ses sensations, pour contempler avec l’indifférence qu’elles méritent les vicissitudes de ce monde, où tout est précaire et changeant. Nous cher-

  1. Qui doit bientôt périr. a. m.