Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/129

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ce ne soit pas civil à moi de le répéter, que l’argent va devenir rare chez sir Arthur lui-même, et qu’il s’est laissé ruiner par toutes ces fouilles qu’on lui a fait faire là-bas pour trouver des mines de cuivre et de plomb. »

Isabelle éprouvait depuis quelque temps des inquiétudes secrètes du même genre ; mais elle fut effrayée de voir que l’on parlât si publiquement des embarras où se trouvait son père ; comme si la médisance, qui aime surtout à se repaître des erreurs de l’homme de bien, de la chute de l’homme puissant, ou de la ruine du riche, avait pu laisser échapper un sujet qui lui était si agréable. Miss Wardour poussa un profond soupir… « N’importe, Édie, lui dit-elle, malgré tout ce qu’on en peut dire, il nous en reste encore assez pour payer nos dettes, et celle que nous avons contractée envers vous est une des plus sacrées ; acceptez donc cette somme de moi.

— Quoi ! pour qu’on me trouve quelque nuit volé et assassiné sur la route d’une ville à une autre ? ou, ce qui ne vaudrait pas mieux, pour que je vive dans la crainte perpétuelle que cela ne m’arrive ? Non, non ; et puis, » ajouta-t-il en baissant la voix, et jetant un regard perçant autour de lui, « et puis, je ne suis pas non plus tout-à-fait au dépourvu ; et quand bien même je viendrais à mourir sur le bord d’un fossé, on trouvera, dans la doublure de cette vieille robe bleue, de quoi m’enterrer décemment comme un chrétien, et donner aux garçons et aux filles de quoi faire le réveillon de mes funérailles[1]. Le vieux mendiant a pourvu à son enterrement : que lui faut-il de plus ? Si on voyait jamais un pauvre diable de ma sorte changer une guinée, qui serait assez fou pour vouloir encore lui faire la charité ? La nouvelle s’en propagerait dans le pays comme le feu grégeois ; on dirait qu’Édie a fait telle ou telle mauvaise action, et j’aurais beau demander, personne ne me donnerait pas seulement un misérable os ou un bodle[2].

— N’y a-t-il donc rien que je puisse faire pour vous ?

— Oh si ; je viendrai toujours chercher mon aumône comme à l’ordinaire, et quelquefois je serai bien aise d’avoir une prise de tabac ; puis il faut que vous parliez aux constables et aux officiers, afin qu’ils ne fassent pas attention à moi. Peut-être aurez-vous aussi

  1. Gie the lads and lasses a blythe lykewake, dit le texte ; coutume écossaise et irlandaise qui consiste à boire et à chanter pendant une nuit en l’honneur du mort. a. m.
  2. Petite pièce de monnaie qui, comme nous l’avons déjà dit, valait à peine un centime. a. m.