Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/127

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

présenter dans ces deux personnes une demoiselle captive faisant le récit de sa détresse à un pèlerin, afin qu’il invoquât la vaillance de tous les chevaliers qu’il rencontrerait dans ses courses errantes, pour venir au secours de la belle opprimée.

Après que miss Wardour eut exprimé au mendiant, dans les termes les plus faits pour lui être agréables, des remercîmens qui, dit-il, étaient bien au delà de ceux qu’il méritait, elle commença à parler d’une manière qu’elle crut plus faite pour lui prouver sa reconnaissance. Elle ne savait pas encore, disait-elle, quelles étaient les intentions positives de son père relativement à leur libérateur ; mais certainement elles seraient de nature à lui assurer de l’aisance pour toute sa vie : dans le cas où il aimerait à résider au château, elle donnerait des ordres…

Le vieillard sourit, secoua la tête, et l’interrompit : « Je serais à la fois un fardeau pour vos élégans domestiques, et un objet qui les ferait rougir, ma bonne demoiselle, et je ne sache avoir encore été à charge à personne de ma vie.

— Sir Arthur donnerait à cet égard les ordres les plus sévères.

— Vous êtes bien bonne, je n’en doute pas ; mais il y a des choses qu’un maître peut commander, et d’autres sur lesquelles il ne peut rien. Je crois bien qu’il leur défendrait de mettre la main sur moi, et, ma foi, je ne pense pas que personne s’y hasardât non plus ; il leur ordonnerait de me donner ma soupe et mon morceau de viande ; mais pensez-vous que les ordres de sir Arthur pussent les empêcher d’exercer la malice de leur langue, ou réprimer leurs coups d’œil méprisans ? qu’il pût les obliger à me donner ma portion de nourriture avec cet air de bienveillance qui en rend la digestion si facile, ou qu’il pût me mettre à l’abri de ces sarcasmes et de ces propos insultans qui font plus de mal que les paroles les plus dures ? Ensuite, je suis l’être le plus paresseux qui ait jamais existé : je ne sais pas m’assujettir à des heures réglées pour manger et pour dormir ; et, pour dire honnêtement la vérité, je serais d’un fort mauvais exemple dans une maison bien ordonnée.

— Eh bien donc, Édie, que penseriez-vous d’une petite chaumière bien propre, avec un beau jardin, une portion journalière, et sans avoir autre chose à faire que de bêcher un peu votre jardin quand l’envie vous en prendrait ?

— Et combien de fois cela arriverait-il, ma bonne lady ? peut-être une seule entre la Chandeleur et la Saint-Jean. Et quand même je n’aurais à m’occuper de rien, quand je serais comme sir Arthur