Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/118

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sa dernière épître et le brouillon de ma réponse ; vous verrez que c’est un homme qui nage entre deux eaux. »

En disant ces mots, l’Antiquaire ouvrit un tiroir et commença à fouiller dans un mélange considérable de papiers anciens et modernes. Notre savant avait le malheur, comme tant d’autres savans ou non savans, de se trouver, en de telles circonstances, dans l’embarras des richesses ; en d’autres termes, l’abondance de sa collection l’empêchait souvent de trouver l’objet qu’il cherchait. « Maudits soient les papiers ! dit Oldbuck en les mêlant davantage ; je crois qu’ils prennent des ailes pour s’envoler par bandes comme des sauterelles. Mais, tenez, en attendant regardez ce petit trésor. » En parlant ainsi il mit entre les mains de Lovel une boîte de chêne garnie aux quatre coins de plaques d’argent travaillé. « Pressez ce bouton, » ajouta-t-il en remarquant que le jeune homme cherchait le ressort ; il le fit, le couvercle se leva, et lui découvrit un mince in-quarto curieusement relié en maroquin noir. « Voici, monsieur Lovel, voici l’ouvrage dont je vous parlais hier au soir ; c’est le rare in-quarto de la Confession d’Augsbourg, le fondement et le rempart de la réforme, dressé par le vénérable Mélanchthon, défendu par l’électeur de Saxe et les autres courageux guerriers qui se rallièrent pour soutenir leur foi, même contre un empereur puissant et victorieux ; c’est cet écrit imprimé par le non moins vénérable et recommandable Aldobrand Oldenbuck, mon heureux trisaïeul, pendant les entreprises tyranniques de Philippe II pour enchaîner à la fois la liberté civile et la liberté religieuse. Oui, monsieur, c’est pour avoir imprimé cet ouvrage que cet homme supérieur fut chassé de son ingrate patrie et forcé d’établir ses dieux pénates à Monkbarns même, au milieu des ruines de la superstition et de la domination papale. Regardez ces vénérables effigies, monsieur Lovel, et respectez l’honorable occupation dans laquelle il est représenté travaillant personnellement à la presse pour la propagation de l’instruction chrétienne et politique ; voyez ici sa devise favorite et qui exprime si bien son indépendance, et cette confiance en ses propres moyens, qui dédaignait de devoir à la protection ce qui n’aurait pas été accordé au mérite, et qui n’exprime pas moins cette fermeté d’esprit et cette ténacité d’intention recommandées par Horace[1]. C’était en réalité un homme qui ne se serait pas ébranlé quand même son imprimerie tout en-

  1. Allusion au Justum et tenacem d’Horace. a. m.