Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/114

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forte. Cette boisson est entièrement inconnue à la génération actuelle, si ce n’est qu’on en peut trouver le nom dans les Actes des revenus du parlement, mêlé à ceux de cidre et de poiré, et autres liqueurs sujettes à la taxe. Lovel, qui fut engagé à la goûter, eut de la peine à s’empêcher de la déclarer détestable ; mais cependant il y parvint, car il vit que par là il offenserait grièvement son hôte, lequel faisait préparer cette liqueur tous les ans avec un soin tout particulier, d’après une recette qui provenait de cet Aldobrand Oldenbuck dont on a déjà parlé si souvent. Grâce aux soins hospitaliers des dames, Lovel trouva un déjeuner plus conforme aux goûts actuels, et tandis qu’il en prenait sa part, il fut assailli de questions indirectes sur la manière dont il avait passé la nuit.

« Nous ne pouvons pas complimenter M, Lovel ce matin sur sa bonne mine, mon frère, dit miss Oldbuck ; et quoiqu’il ne veuille pas convenir que rien ne l’ait troublé cette nuit, cependant il est certain qu’il est très pâle, tandis que quand il est arrivé ici, il était frais comme une rose.

— Mais réfléchissez donc, ma sœur, que cette rose dont vous parlez a été battue par les vents et la tempête, sans plus d’égards qu’un paquet d’épines ; comment diable voulez-vous donc qu’il ait gardé ses couleurs ?

— Il est certain, dit Lovel, que je suis encore un peu fatigué, malgré l’excellente réception que j’ai reçue de votre hospitalité.

— Ah ! monsieur, dit miss Oldbuck en le regardant avec un sourire significatif, ou du moins qu’elle cherchait à rendre tel, vous ne voudrez pas convenir par politesse d’avoir été dérangé.

— Réellement, madame, je n’ai éprouvé aucun dérangement ; car je ne puis appeler ainsi la musique dont quelque fée bienfaisante m’a gratifié.

— Je me doutais bien que Marie vous éveillerait avec ses chansons. Elle ne savait pas que j’avais laissé une ouverture à votre croisée ; car, outre le revenant, il y a encore de la fumée dans la chambre verte par les grands vents. Mais je présume que cette nuit vous avez entendu autre chose que les airs de Marie. En vérité ; il faut que les hommes soient bien hardis pour supporter tout cela. Quant à moi, si je devais subir des épreuves de cette nature, c’est-à-dire hors des lois de la nature, j’aurais commencé par crier de manière à faire lever toute la maison, quelle qu’en eût été la conséquence ; et je parierais que le ministre en ferait autant, comme je le lui ai dit. Je ne connais que mon frère Monkbarns qui pût ré-