Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/111

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

furent fortement attirés par la ligne que la figure semblait vouloir lui faire remarquer, et dont les caractères, éclatans comme une lumière surnaturelle, restèrent profondément gravés dans sa mémoire. Au moment où l’apparition ferma le volume, les sons d’une musique délicieuse remplirent l’appartement. Lovel tressaillit, et s’éveilla tout-à-fait. La musique, cependant, continua de se faire entendre, et ne cessa pas qu’il n’eût distinctement reconnu la mesure d’un vieil air écossais.

Il se mit sur son séant, et essaya de chasser de sa tête les fantômes qui l’avaient troublée pendant toute cette nuit fatigante. Les rayons d’un soleil matinal se montraient à travers les volets à moitié fermés de sa chambre, et y répandaient une clarté suffisante. Il regarda tout autour de lui la tapisserie ; mais les groupes divers des chasseurs qui y étaient tissus de soie, y demeuraient aussi immobiles qu’avaient pu les y fixer les clous qui assujétissaient la tenture légèrement agitée par le vent matinal qui, pénétrant par une crevasse de la fenêtre grillée, venait effleurer sa surface. Lovel sauta hors du lit, et s’enveloppa d’une robe de chambre qu’on avait eu la prévoyance de mettre auprès de lui ; il s’approcha de la croisée qui donnait sur la mer, dont les vagues mugissantes annonçaient qu’elle était encore agitée par la tempête de la soirée précédente, quoique le matin fût calme et serein. La fenêtre d’une tourelle qui s’avançait en saillie à un angle du mur, et qui était ainsi fort voisine de l’appartement de Lovel, était à moitié ouverte, et de là il entendit encore la même musique qui avait probablement interrompu son rêve. En cessant d’appartenir à une vision, elle avait perdu beaucoup de ses charmes, et ce n’était plus maintenant qu’un air assez passablement exécuté sur le piano. Car tel est le caprice de l’imagination relativement à l’influence des beaux-arts. Une voix de femme chanta avec goût et simplicité les stances suivantes, dont l’effet tenait autant de l’hymne que de la chanson :

 
« Pourquoi rester sur les ruines
De cet antique monument,
Vieillard dont le front blanchissant
Étale ses douleurs chagrines ?
Te rappelles-tu ta splendeur,
Ou rêves-tu de ton malheur ?

« Tu devrais bien me reconnaître,
Répondit ton austère voix,
Moi qui dans tous lieux règne en maître,