Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/95

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lancé comme un rocher à un mille de là, et il tomba dans l’eau au-dessous des rochers de la pointe de Warroch, qu’on appelle maintenant le Saut du Jaugeur. — Et l’enfant de M. Bertram, dit l’étranger, quel rapport a-t-il avec tout cela ? — Oh, monsieur ! l’enfant était toujours avec l’inspecteur, et on pensa qu’il s’était rendu avec lui à bord, comme les enfants sont toujours en avant pour s’exposer au danger. — Non, non, dit le diacre, vous êtes tout-à-fait dans l’erreur, Luckie… car le jeune laird fut enlevé par une coureuse Égyptienne qu’on appelait Meg Merrilies, je me le rappelle bien, parce qu’Ellangowan l’avait fait promener au son du tambour dans Kippletringan pour lui avoir volé une cuiller d’argent. — Je vous demande pardon, dit le maître-chantre ; vous êtes aussi loin de la vérité que la bonne dame. — Et quelle est votre édition de cette histoire, monsieur ? dit l’étranger en se tournant vers lui avec intérêt. — Cela n’est peut-être pas bon à raconter, dit le maître-chantre avec solennité. »

Cependant, pressé de parler, il préluda en lâchant deux ou trois larges bouffées de fumée de tabac, et du milieu de ce sanctuaire nébuleux que la fumée formait autour de lui, il laissa entendre la légende suivante, après avoir éclairci sa voix par un ou deux hem… et imitant, aussi bien qu’il lui était possible, l’éloquence qui chaque semaine tonnait sur sa tête du haut de la chaire :

« Ce que nous allons vous annoncer, mes frères ; hem… hem… je veux dire, mes bons amis, n’a pas eu lieu dans un coin, et peut servir de réponse à ces partisans des sorciers, aux athées et mécréants de tous genres. Vous devez savoir que l’honorable laird d’Ellangowan n’était pas aussi strict qu’il aurait pu l’être à purger ses terres des sorciers (touchant lesquels il a été dit : « Tu ne souffriras pas qu’un sorcier habite près de toi »), ni de ceux qui avaient des esprits familiers, qui se livraient à la divination, à la sorcellerie, aux sortilèges, toutes pratiques des Égyptiens, comme ils s’appellent eux-mêmes, et d’autres misérables qui sont dans notre pays.

« Le laird était marié depuis trois ans sans avoir d’enfants, et il était tellement abandonné à lui-même, qu’on pensa qu’il eut beaucoup de rapports et de communications avec cette Meg Merrilies, qui était la sorcière la plus notoirement connue dans tout le Galloway et le comté de Dumfries. — Bien, je sais qu’il y a quelque chose de vrai là-dedans, dit mistress Mac-Candlish ; car j’ai entendu au château même le laird ordonner qu’on lui donnât deux