Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/64

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merce de poterie grossièrement façonnée : tels étaient leurs moyens apparents d’existence. Chaque tribu avait ordinairement un point fixe de réunion qu’ils occupaient dans l’occasion, qu’ils considéraient comme leur camp, et dans le voisinage duquel ils s’abstenaient de commettre aucun vol. Ils avaient des talents et une industrie qui les rendaient utiles et agréables dans certaines circonstances. Plusieurs cultivaient la musique avec succès ; et le joueur de violon ou de cornemuse favori d’un district faisait souvent partie d’une tribu égyptienne. Ils entendaient bien les amusements de la campagne, tels que la chasse aux loutres, la pêche, et savaient toujours où trouver le gibier. Ils élevaient les bassets les meilleurs et les plus hardis, et ils avaient quelquefois de bons chiens d’arrêt à vendre. Dans l’hiver, les femmes disaient la bonne aventure, les hommes faisaient des tours de passe-passe ; et ces talents aidaient quelquefois la compagnie assemblée chez le fermier à passer agréablement les longues ou orageuses soirées. Leur caractère sauvage, et l’orgueil indomptable avec lequel ils dédaignaient tout travail régulier, inspiraient une certaine crainte, qui n’était point diminuée par la considération que ces vagabonds étaient une race vindicative qu’aucun frein ne pouvait arrêter, et que ni la crainte ni la conscience ne pouvaient les détourner de tirer une vengeance cruelle de ceux qui les avaient offensés. Ces tribus étaient, en un mot, les Parias de l’Écosse, vivant au milieu d’Européens civilisés comme des Indiens sauvages ; et comme eux on les jugeait plutôt par leurs coutumes, leurs habitudes et leurs opinions, que s’ils avaient été membres d’une partie de la société civilisée. Il en existe encore aujourd’hui quelques hordes, surtout dans les lieux où ils peuvent facilement s’échapper dans des solitudes ou sur une autre terre. Les traits de leur caractère ne sont pas beaucoup adoucis. Leur nombre, cependant, est bien diminué ; et au lieu de cent mille Égyptiens que comptait Fletcher, il serait peut-être impossible d’en trouver plus de cinq cents dans toute l’Écosse.

Une tribu de ces vagabonds, à laquelle Meg Merrilies appartenait, était établie depuis long-temps, du moins autant que ses habitudes le lui permettaient, dans un vallon du domaine d’Ellangwoan. Ils y avaient élevé quelques chaumières qu’ils appelaient « leur ville de refuge », et où, lorsqu’ils n’étaient point absents pour leurs excursions, ils vivaient sans être inquiétés, comme les corneilles perchées sur les vieux frênes qui les entouraient. Ils occupaient cette vallée depuis si long-temps, qu’ils étaient en quelque sorte