« Ah, ah ! dit le laird qui avait cherché Mannering quelque temps, et qui venait de le joindre, les voilà partis, les voilà partis, les libres négociants ; le voilà parti le capitaine Dirk Hatteraick, et la Yungfraw Hagenslaapen, moitié Mankois[1], moitié Hollandais, moitié diable ! Baissez le beaupré, hissez la grande voile, celle des huniers et du perroquet, du kakatoès et des grecques[2] ; et le suive qui peut ! Ce gaillard, monsieur Mannering, est la terreur de toute l’excise et des croiseurs de la douane ; ils ne peuvent rien contre lui ; il les bat ou les désarme ; mais en parlant d’excise, je viens vous chercher pour déjeuner ; et vous allez prendre du thé, qui… »
Mannering savait que les idées du digue M. Bertram se succédaient sans aucune suite,
Comme des perles d’Orient
Qui tomberaient à tout venant.
En conséquence, avant que leur cours l’eût emporté plus loin, il
l’arrêta par quelques questions sur Dirk Hatteraick.
« Oh ! c’est un… un assez bon camarade, quand personne ne le tourmente, contrebandier quand ses canons forment son lest, corsaire, ou pirate même, lorsqu’ils sont montés. Il a fait plus de mal aux gens de la douane lui seul que tous les coquins qui viennent de Ramsay[3].
— Mais, mon cher monsieur, si tel est son caractère, je m’étonne qu’il trouve protection et encouragement sur cette côte. — Eh ! monsieur Mannering, le peuple veut avoir du thé et de l’eau-de-vie, et on ne s’en procure dans le pays que par cette voie, et c’est un compte bientôt réglé : on vous laisse devant votre porte un ou deux barils d’eau-de-vie, et une douzaine de livres de thé, au lieu qu’il faudrait recevoir, à la Christmass[4], un diable de long mémoire de Duncan Robb, l’épicier de Kippletringan, qui demande de l’argent comptant ou un billet à courte échéance, tandis qu’Hatteraick prend du bois, des planches, de l’orge ou tout ce qu’on lui donne. Et je veux vous raconter une bonne histoire sur cela : il y avait une fois un laird, c’était Macfie de Gudgeonford ; il avait un grand nombre de poules de redevance, ce sont celles que les fermiers paient à leur propriétaire, c’est une espèce de rente en na-