Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/50

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excitent le respect, et qui humilient peut-être les pacifiques habitants de la terre ferme en leur présence : et ni le respect, ni l’humiliation, ne sont des sentiments qui s’accordent avec une amitié familière envers ceux qui les inspirent. Mais les joyeuses folies, la gaîté pétulante, la bonne humeur insouciante du matelot, lorsqu’il s’amuse à terre, adoucissent ce que son caractère a de plus formidable. On ne voyait aucun de ces sentiments sur la figure de ce marin ; au contraire, ses traits brunis, qui auraient été durs et désagréables avec une tout autre expression, avaient un air sauvage et insolent.

« Où êtes-vous, la mère Deyvilson[1] ? dit-il avec un accent étranger, quoiqu’il parlât l’anglais très purement. Mille tonnerres ! nous vous attendons depuis une demi-heure. Venez bénir le vaisseau et notre voyage, et soyez maudite comme une sorcière de Satan ! »

Dans ce moment il aperçut Mannering, qui, par la position qu’il avait prise pour observer les enchantements de Meg Merrilies, avait l’air de quelqu’un qui évitait les regards, étant à moitié caché par le mur derrière lequel il était. Le capitaine (car c’est le nom qu’il se donnait lui-même) tressaillit et s’arrêta tout-à-coup, et fourrant sa main droite dans son sein entre sa jaquette et sa veste comme pour y chercher une arme : « Qu’y a-t-il, frère ? vous semblez espionner, hé ! »

Avant que Mannering, frappé du geste et du ton insolent de son interlocuteur, eût répondu, l’Égyptienne sortit de la salle et joignit l’étranger. Il la questionna à voix basse en regardant Mannering. « Un requin de la côte ? hé !

Elle lui répondit sur le même ton en se servant du langage ordinaire de sa tribu. « Cessez vos paroles inciviles et taisez-vous, c’est un gentilhomme du château. »

Le sombre visage du marin s’éclaircit. « Le salut du matin, monsieur ; j’apprends que vous êtes un hôte de mon ami M. Bertram. Je vous demande pardon, mais je vous avais pris pour une personne d’une autre espèce. »

Mannering lui répondit : « Et vous, monsieur, je présume que vous êtes le maître de ce vaisseau qui est dans la baie ? — Oui, monsieur, je suis le Dirk Hatteraick, le capitaine de la Yungfraw Hagenslaapen, bien connu sur cette côte ; je ne rougis point de mon nom, ni de mon vaisseau, ni de ma cargaison. — J’ose dire que

  1. Nom qui signifie fille du diable. a. m.