Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/47

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que Mannering voyait alors dans toute son étendue, ne le cédait pas en variété et en beauté à la terre ferme. En quelques endroits il s’élevait en énormes rochers, souvent couronnés par les ruines de vieux bâtiments, de tours, de fanaux, qui, suivant la tradition, avaient été placés en vue les uns des autres, pour que dans les temps d’invasion ou de guerre civile, ils pussent par des signaux communiquer entre eux pour leur défense et se porter des secours mutuels. Le château d’Ellangowan était le plus considérable et le plus important de ces bâtiments ruinés, et prouvait, par sa grandeur et sa position, la supériorité que, dit-on, ses fondateurs avaient eue parmi les chefs et les nobles de ce district. En d’autres endroits, le rivage offrait une vue plus agréable ; il était coupé par de petites baies où la terre allait doucement en pente, ou bien s’avançait dans la mer en promontoire couvert de bois.

Une scène si différente de ce que lui avait fait présager son voyage de la veille, produisit un effet proportionné sur Mannering. Sous ses yeux était la maison moderne ; l’architecture était lourde, il est vrai, mais elle était bien située, et d’une exposition charmante aux rayons du soleil. « Dans quelle félicité, pensa notre héros, on coulerait sa vie, en une telle retraite ! D’un côté les restes imposants de la grandeur passée, qui vous rappellent tacitement l’orgueil qu’ils inspirent ; de l’autre assez d’élégance et de commodité pour satisfaire des désirs modérés. Vivre ici, et avec toi, Sophie ! »

Nous ne nous étendrons pas davantage sur les songes d’un amant. Mannering s’arrêta un moment les bras croisés, et se dirigea ensuite vers le château en ruine.

En entrant par la grand’porte, il trouva que la magnificence grossière de la cour intérieure répondait bien à la grandeur de l’extérieur. D’un côté il y avait une rangée de hautes et larges fenêtres divisées par des pilastres de pierre sculptée, et qui avaient autrefois éclairé la grande salle du château ; de l’autre étaient divers bâtiments de grandeurs et de dates différentes, et cependant assez unis entre eux pour présenter à l’œil par devant un effet général d’uniformité. Les portes et les fenêtres avaient des ornements en saillie, où l’on voyait de grossiers modèles de sculptures et de moulures, les unes entières ou brisées, les autres couvertes de lierre ou de plantes rampantes, qui croissaient en abondance parmi ces débris. L’extrémité de la cour qui faisait face à l’entrée était aussi fermée primitivement par une rangée de bâtiments ; mais cette partie du château était plus délabrée que le reste, parce que,