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Quand les prisonniers, escortés de leurs gardes, y furent arrivés, Hatteraick, dont la force et la violence étaient bien connues, fut enfermé dans ce qu’on appelait la chambre des condamnés. C’était un grand appartement presque sous les combles de la prison. Une barre de fer arrondie, de la grosseur du bras d’un homme au-dessus du coude, le traversait horizontalement à la hauteur de six pouces environ du plancher : les bouts en étaient solidement scellés dans le mur[1]. On enferma les jambes d’Hatteraick, au-dessus de la cheville, dans des anneaux de fer attachés à une chaîne longue de quatre pieds, au bout de laquelle était un anneau dans lequel passait la barre de fer dont nous avons parlé. On conçoit qu’un prisonnier ainsi enchaîné pouvait se promener d’un bout à l’autre de l’appartement, dans toute la longueur de la barre, mais qu’il ne pouvait s’en éloigner davantage que ne le permettait l’étendue de la chaîne. Après lui avoir passé ces anneaux autour des pieds, le geôlier lui ôta les menottes, et lui laissa, à cela près, l’entière liberté de sa personne.

Glossin arriva à la prison peu de temps après Hatteraick : par considération pour son rang et pour son éducation, on le traita avec plus d’égards. On ne lui mit point les fers ; et il fut placé dans une chambre assez propre, sous la surveillance de Mac-Guffog, qui, depuis la destruction de la prison de Portanferry, était descendu au rang de porte-clefs. Laissé à lui-même dans sa prison solitaire, Glossin eut le loisir d’examiner toutes les chances qui existaient pour et contre lui. Il ne put s’empêcher de croire qu’il n’était pas perdu sans ressource.

« Le domaine est perdu, se dit-il ; il n’y faut plus penser, Pleydell et Mac-Morlan n’auront pas de peine à m’évincer. Ma réputation… Mais que je me tire d’affaire, que l’on me laisse la vie et la liberté, je saurai m’enrichir de nouveau, et avec l’argent la considération ne manque jamais. Je n’ai eu connaissance de l’assassinat du douanier qu’après que le crime fut consommé ; j’ai bien retiré quelque avantage de la contrebande, mais cela ne constitue pas la félonie. Mais la soustraction de l’enfant… c’est ici que mon affaire devient embarrassante : cependant, voyons un peu. Bertram, à cette époque, n’était qu’un enfant ; son témoignage ne mérite pas grande confiance ; Gabriel est un déserteur, un Égyptien, un homme sans

  1. Ce mode de s’assurer des prisonniers après la condamnation était généralement pratiqué en Écosse. Après qu’un homme avait entendu sa sentence de mort, on le mettait sur le had, c’est-à-dire qu’on le fixait à une barre de fer. a. m.