Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/407

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gardèrent avec étonnement. « Oui, » reprit-elle d’une voix plus forte et plus rude, « je dis Henri Bertram d’Ellangowan. Retirez-vous de la lumière, que je le voie. »

Tous les yeux se tournèrent sur Bertram, qui s’approcha du lit de la mourante. Elle lui prit la main. « Regardez-le, vous tous qui avez vu son père ou son grand-père, et déclarez si ce n’est pas leur vivante image ? » Un murmure parcourut l’assemblée ; la ressemblance était trop frappante pour qu’on pût la nier. « Maintenant écoutez-moi ; et que cet homme (montrant Hatteraick qui était assis, au milieu de ses gardiens, sur un coffre, à quelque distance) conteste, s’il le peut, ce que j’avance. Voici Henri Bertram, fils de Godefroi Bertram, baron d’EUangowan ; voici l’enfant que Dirk Hatteraick enleva dans le bois de Warroch, le jour où il assassina le douanier. J’étais là comme un esprit errant. Je voulais visiter ce bois avant de quitter le pays. Je sauvai la vie à l’enfant. Combien je priai, combien je suppliai pour qu’ils me le laissassent !… mais ils l’emmenèrent avec eux. Il a été long-temps sur mer, et maintenant le voilà revenu pour reprendre possession de son bien. Qui oserait l’en empêcher ?… J’avais juré de garder le secret jusqu’à ce qu’il eût atteint sa vingt-et-unième année… Je savais que jusqu’à cet âge il devait obéir au destin. J’ai été fidèle à mon serment ; mais je me promis aussi à moi-même que, si je vivais jusqu’à son retour, je le rétablirais sur le siège de son père, dût chaque échelon être un cadavre… J’ai tenu aussi ce serment, je serai moi-même un de ces degrés… Celui-ci (montrant Hatteraick) en sera bientôt un autre, et il y en aura bientôt un troisième. »

Le ministre prit la parole, et fit remarquer combien il était à regretter que cette déposition ne fût pas régulièrement reçue et consignée par écrit ; le chirurgien insista pour qu’on examinât la blessure de cette femme avant de l’épuiser par des questions. Mais quand elle vit qu’on faisait sortir tout le monde de la chambre et Hatteraick lui-même, pour laisser le chirurgien plus libre dans l’exercice de ses fonctions, elle poussa un grand cri, et se tenant sur son séant : « Dirk Hatteraick, nous ne nous retrouverons plus qu’au jour du jugement… Reconnaissez-vous que j’ai dit la vérité, ou bien osez-vous le nier ? « Il tourna vers elle son front sauvage, avec un regard menaçant et féroce. « Dirk Hatteraick, vous dont les mains sont teintes de mon sang, osez-vous nier un mot de ce que ma voix mourante a prononcé ? » Il la regarda avec la même expression de férocité mêlée de satisfaction, remua les lèvres, mais