Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/395

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nous quitter, répondit Lucy, et d’une manière qui nous a beaucoup épouvantées. »

Dans ce même moment, la voiture du colonel arriva. Il la fit arrêter, descendit avec son docte compagnon, et vint rejoindre les deux demoiselles, qui leur apprirent aussitôt la cause de leur nouvelle alarme.

« Encore Meg Merrilies ! dit le colonel ; c’est l’être le plus mystérieux et le plus incompréhensible !… Mais je pense qu’elle avait à communiquer à Bertram quelque chose qu’elle ne voulait pas que nous sachions. — Que le diable enlève la vieille folle, dit l’avocat ; elle ne veut jamais laisser les choses suivre leur cours prout de lege[1] ; il faut qu’elle vienne à tout moment prendre le gouvernail pour diriger la barque à sa fantaisie. Je crains, d’après la direction qu’ils ont suivie, qu’ils ne se rendent à Ellangowan. Ce scélérat de Glossin nous a appris quels coquins il a à sa disposition. Je souhaite que l’honnête Dandie suffise pour le protéger. — Si vous le voulez, dit le jeune Hazlewood, je me mettrai au galop dans la direction qu’ils ont prise. Je suis assez connu dans le pays pour être sûr qu’aucun acte de violence ne sera commis en ma présence ; je me tiendrai à une certaine distance pour n’avoir point l’air de surveiller Meg et pour ne point interrompre les communications qu’elle peut avoir à faire à M. Bertram. — Sur ma parole ! dit M. Pleydell à part, ce bambin que je me rappelle avoir vu il n’y a pas bien des années avec une figure couleur de petit-lait et un sachet autour du cou, est maintenant un homme. Je redoute plus une nouvelle tentative d’oppression légale qu’une violence ouverte. D’ailleurs, je présume que la présence de ce jeune homme intimidera Glossin et ses coupe-jarrets. Allez donc, mon garçon ; cherchez bien, vous le trouverez probablement dans les environs de Derncleugh ou dans le bois de Warroch. »

Hazlewood tourna bride. « Revenez dîner avec nous, Hazlewood, » cria le colonel. Charles lui répondit par un salut, donna de l’éperon à son cheval, et partit au galop.

Cependant Bertram et Dinmont suivaient leur guide à travers les vallons et les bois, entre la prairie et le hameau ruiné de Derncleugh. Meg marchait devant eux, sans jamais se détourner, si ce n’est pour leur dire de hâter le pas quoique, malgré la rigueur du froid, la sueur leur découlât du visage. Parfois elle s’adressait à elle-même des phrases interrompues, comme celle-ci : « C’est rétablir la

  1. Suivant la loi. a. m.