Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/384

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vous êtes excusable, Julia, car vous avez obéi au moins à l’un des auteurs de vos jours. Rapportons-nous-en à un proverbe que Sampson citait l’autre jour : « Ce qui est passé est passé ; faisons pour le mieux à l’avenir. » Je ne vous reprocherai jamais d’avoir manqué de confiance en moi quand vous jugiez de mes intentions par mes actions, dont il me semble pourtant que vous n’ayez pas à vous plaindre. Reprenez ces lettres : elles n’ont point été écrites pour moi ; je n’en veux pas lire un mot de plus que ce que j’en ai lu à votre prière et pour votre justification. Maintenant sommes-nous amis, ou plutôt me comprenez-vous ? — mon cher, mon généreux père, s’écria Julia en se jetant dans ses bras, pourquoi ne vous ai-je pas mieux connu ? — N’en parlons plus, dit le colonel ; nous avons eu des torts l’un et l’autre. Celui qui est trop fier pour vouloir posséder sans chercher à les acquérir l’affection et la confiance auxquelles il croit avoir droit, s’expose à en être privé, et le mérite peut-être. C’est assez que l’être le plus cher, celui que je regrette encore, soit descendu dans la tombe sans m’avoir connu : que je ne sois pas privé de la confiance d’une fille qui doit m’aimer, si elle s’aime elle-même ! — Ne le craignez pas, répondit Julia, ne le craignez pas. Que j’aie votre approbation et la mienne, et il n’est rien que je ne sois prête à sacrifier. — Fort bien, ma chère enfant, » dit-il en lui donnant un baiser sur le front ; « j’espère que je n’exigerai pas de vous de trop héroïques sacrifices. Quant à ce jeune homme, je compte que toute correspondance clandestine, et une jeune personne ne peut en entretenir une sans s’abaisser à ses propres yeux et à ceux de son amant ; je compte, dis-je, que toute correspondance clandestine cessera dès à présent. Si M. Bertram vous en demande la cause, vous lui direz de s’adresser à moi. Vous désirez, sans doute, savoir quels seront les résultats de cette déférence ? D’abord, je veux observer le caractère de ce jeune homme plus soigneusement que les circonstances, et peut-être mes préventions, ne m’ont permis de le faire jusqu’à présent. Je désire aussi que sa naissance et son rang soient reconnus : non que j’attache une extrême importance à sa mise en possession du domaine d’Ellangowan, quoiqu’une affaire de cette espèce ne puisse être regardée comme indifférente que dans un roman ; mais certainement Henri Bertram, fils du feu laird d’Ellangowan, est tout autre que Van Beest Brown, qui n’était le fils de personne. Ses aïeux, à ce que dit M. Peydell, se distinguaient sous les bannières des rois de leur pays, pendant que les nôtres combattaient à Crécy et à Poitiers. En