Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/357

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le feu d’alarme. « Diable, capitaine, on n’est pas à son aise ici ! on ne peut en sortir le jour, on ne peut y dormir la nuit. Eh ! je n’y tiendrais pas quinze jours. Mais, Dieu me pardonne, qu’est-ce qu’on fait donc là !… oh ! oh ! il ferait bon d’avoir de la lumière… Wasp, Wasp, paix ! mon chien… paix, mon bon chien : laisse-nous donc entendre ce qui se passe… Mais il est enragé ! Eh bien, te tairas-tu ? »

Ils cherchèrent vainement dans les cendres les moyens d’allumer leur chandelle, car le bruit ne cessait pas. » Dieu me bénisse, capitaine ! venez donc ! » s’écria Dinmont, qui s’était approché à son tour de la fenêtre : « Ah ! ils ont enfoncé les portes de la douane ! »

Bertram y courut, et vit distinctement un ramas confus de contrebandiers et autres bandits, quelques-uns portant des torches allumées, les autres roulant des ballots et des barils vers la chaloupe qui était amarrée près du quai, et que deux ou trois autres barques de pêcheurs étaient venues rejoindre. « Voilà qui s’explique tout seul, dit Bertram ; mais je crains qu’il ne soit arrivé pire encore… ne sentez-vous pas une forte odeur de brûlé, ou est-ce mon imagination… ? — Imagination ? il y a de la fumée comme dans un four ! Dieu ! s’ils mettent le feu à la douane, il viendra jusqu’ici, et nous flamberons comme un tonneau de goudron. Il n’est pas gai d’être brûlé vif comme un sorcier ! Mac-Guffog, ah ! hé… » s’écria-t-il de toutes ses forces ; « si vous avez pour deux liards de raison, ouvrez-nous, l’ami ! ouvrez-nous ! »

Le feu commençait alors à monter, et d’épais nuages de fumée dépassaient la fenêtre près de laquelle se tenaient Bertram et Dinmont. Quelquefois, selon le caprice du vent, un sombre voile de vapeur dérobait tout à leurs yeux, ou bien une lueur rouge éclairait le rivage, et leur permettait de distinguer des hommes à figure sinistre qui, avec une promptitude exempte de désordre, chargeaient les barques. Enfin l’incendie triompha, des jets de flammes s’élancèrent par toutes les fenêtres de l’édifice embrasé, tandis que d’énormes tisons étaient lancés par le vent contre les murs de la prison et qu’une épaisse fumée s’étendait sur tout le voisinage. Les cris d’une canaille furieuse retentissaient de plus fort en plus fort ; car les contrebandiers, dans leur triomphe, étaient secondés par la populace de la petite ville et des environs qui s’était mise en révolte complète malgré l’heure avancée, quelques-uns pour participer au butin, presque tous par cet amour du mal et du tumulte, ordinaire à la lie du peuple.