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ressemblait à une abbaye ; il avait été bâti à différentes époques, et une partie avait réellement servi de prieuré. Lors de la suppression des couvents, du temps de la reine Marie, le premier des Hazlewood en avait obtenu concession de la couronne, avec les terres environnantes. Il était agréablement situé au milieu d’un grand parc sur les bords de la rivière dont nous avons déjà parlé. Le paysage d’alentour avait un air sombre, majestueux et un peu mélancolique, qui allait bien avec l’architecture de l’édifice. Tout semblait tenu dans le meilleur ordre possible, et annonçait l’opulence aussi bien que le rang du propriétaire.

Quand la voiture de M. Glossin s’arrêta à la porte du manoir, sir Robert examina d’une fenêtre l’équipage neuf qui arrivait. Dans ses opinions aristocratiques, c’était un grand degré de présomption chez cet homo novus, chez ce M. Gilbert Glossin, naguère greffier à…, que d’oser se permettre une telle commodité ; mais sa colère s’apaisa en remarquant que les panneaux de la voiture ne portaient pour tout chiffre que deux G. Il faut dire cependant que cette modestie apparente n’était due qu’à la lenteur du généalogiste M. Cumming, qui, chargé à cette époque d’inventer ou de retrouver les armoiries de deux commissaires de l’Amérique du nord, de trois pairs irlandais, et de deux riches négociants de la Jamaïque, n’avait pas eu le temps de fabriquer un écusson pour le nouveau laird d’Ellangowan, circonstance qui servit merveilleusement Glossin dans l’esprit du fier baronnet.

Les officiers de justice s’arrêtèrent avec leur prisonnier dans une espèce de vestibule, et M. Glossin fut introduit dans le grand salon de chêne, vaste appartement dont les murailles étaient recouvertes de superbes boiseries, et décoré des antiques portraits de tous les ancêtres de sir Robert Hazlewood. L’homme nouveau, qui ne pouvait par son mérite faire oublier la bassesse de sa naissance, sentit son infériorité et montra, en saluant jusqu’à terre d’un air servile, que le laird d’Ellangowan n’avait pas encore perdu les primitives et humbles habitudes de l’ancien procureur. Il voulait se persuader à lui-même, il est vrai, qu’il n’agissait ainsi que pour satisfaire l’orgueil du baronnet et le faire tourner à son profit ; mais il s’abusait sur la nature de ses sentiments et se laissait influencer par ces mêmes préjugés dont il croyait se jouer.

Le baronnet reçut M. Glossin avec cette politesse affectée qui devait en même temps faire sentir son immense supériorité et montrer que c’était seulement par pure courtoisie qu’il voulait bien