Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/304

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je suis arrivé ici ? répéta Bertram surpris de la solennité de cette question. J’ai débarqué il y a un quart d’heure dans le petit port qui est au bas du château, et j’employais un moment de loisir à examiner ces ruines. J’espère qu’il n’y a point d’indiscrétion ? — D’indiscrétion, monsieur ? Non, monsieur, » dit Glossin reprenant insensiblement son sang-froid. Il dit deux mots à l’oreille de son compagnon, qui s’éloigna aussitôt et descendit vers la maison. « Vous pouvez, monsieur, comme toute personne honnête, satisfaire librement votre curiosité. — Je vous remercie, monsieur, reprit Bertram. On appelle ceci le vieux château, à ce que l’on m’a dit ? — Oui, monsieur, pour le distinguer du château neuf, où je demeure, ici en bas. »

Glossin, il n’est pas inutile d’en prévenir le lecteur, était, pendant le dialogue qui va suivre, curieux de découvrir quels souvenirs le jeune Bertram avait conservés des lieux où s’était écoulée son enfance, et en même temps condamné à une excessive réserve dans ses réponses, de peur d’éveiller ou de fortifier par quelques noms, phrases ou allusions, ces idées encore endormies ; il souffrit donc pendant ce temps-là les angoisses qu’il avait si bien méritées ; mais son orgueil et son intérêt, comme le courage des Indiens de l’Amérique du nord, lui donnaient la force de supporter les tortures que lui faisaient endurer les remords d’une conscience coupable, ainsi que la crainte, la haine, l’inquiétude qui le dévoraient.

« Je vous prierais, monsieur, dit Bertram, de me dire le nom de la famille à qui appartiennent ces ruines magnifiques. — C’est ma propriété, monsieur, et je me nomme Glossin. — Glossin, Glossin ! » répéta Bertram, comme si cette réponse n’était pas celle qu’il attendait. « Pardon, monsieur Glossin ; je suis sujet à de grandes distractions. Puis-je vous demander si ce château est depuis long-temps dans votre famille ? — Il fut bâti, il y a bien longtemps, par une famille appelée, je crois, Mac-Dingawaie, » répondit Glossin, supprimant, on devine pourquoi, le nom de Bertram qui aurait pu réveiller des souvenirs qu’il voulait laisser dans le plus profond repos, et cherchant à éluder par une réponse évasive la question relative à la durée de la possession.

« Et comment lisez-vous la devise à moitié effacée qui est sur cette bandelette roulée au-dessus de l’entablement qui soutient l’écusson ? dit Bertram. — Je… je… je ne distingue pas bien. — Je crois déchiffrer : Notre droit fait notre force. — Je suppose que c’est quelque chose d’approchant. — Puis-je vous demander, mon-