Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/298

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Bien qu’à cette époque le prix des denrées fût très modéré, quand il eut payé son logement et sa nourriture, ainsi qu’un nouvel habit dont il avait besoin autant pour être moins aisément reconnu que pour être dans un état plus présentable, Brown s’aperçut que sa bourse était presque vide. Il recommanda au directeur du bureau de la poste de lui renvoyer ses lettres à Kippletringan ; car c’est là qu’il avait dessein de se rendre et de réclamer le trésor qu’il avait déposé dans les mains de mistress Mac-Candlish. Il se sentait aussi obligé à reprendre son nom et son caractère véritables sitôt qu’il aurait les moyens de les faire reconnaître, et alors il irait offrir au jeune Hazlewood toutes les satisfactions qu’il pouvait exiger d’un officier au service du roi. « Pour peu qu’il soit raisonnable, pensait-il, il reconnaîtra que ma conduite a été provoquée par sa brusquerie et son arrogance. »

Le voilà donc une seconde fois embarqué sur le détroit de Solway. Le vent était contraire et accompagné d’un peu de pluie ; la marée ne les aidait que faiblement. La barque était pesamment chargée de marchandises (une partie sans doute était de contrebande), et tirait beaucoup d’eau. Brown, à moitié marin, et habitué aux plus pénibles exercices, fut du plus grand secours au patron de la barque, soit en ramant avec lui, soit en tenant le gouvernail, soit en donnant son avis pour la manœuvre, laquelle devenait d’autant plus difficile que le vent soufflait avec violence et dans une direction opposée aux courants rapides de la côte. Enfin, après être restés toute la nuit dans le détroit, le matin ils se trouvèrent en face d’une baie superbe, sur la côte d’Écosse. Le temps s’était adouci. La neige, qui depuis plusieurs jours commençait à fondre, avait disparu entièrement sous la brise tempérée de la nuit précédente. Les montagnes, dans le lointain, conservaient bien encore leur manteau de neige, mais toute la plaine avait dépouillé le sien, à l’exception de quelques champs où elle avait été fort épaisse, et le rivage, quoiqu’il portât encore la livrée de l’hiver, offrait un spectacle intéressant. La ligne de la côte, avec ses coupes variées à l’infini, ses promontoires et ses baies, fuyait devant l’œil, à droite et à gauche, en décrivant ces contours divers, irréguliers, et pourtant gracieux et faciles, que l’œil a tant de plaisir à suivre. Les formes fantastiques des rochers ajoutaient encore à l’agrément et à la variété du tableau : ici le rivage était bordé de rochers à pic qui s’avançaient jusque dans la mer, là il s’abaissait jusqu’à la grève, en pente douce. Des bâtiments de diverses for-