Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/278

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

queue de son chat ; une autre fois, il mit en colère son perroquet. Aux yeux de Mannering, le personnage le plus intéressant de toute la compagnie était une pauvre fille qui avait été l’humble compagne de la défunte, et sur qui elle avait pendant longues années déchargé sa mauvaise humeur. Amenée, pour la forme, dans l’appartement par la femme de chambre favorite de feu mistress Bertram, elle s’était aussitôt réfugiée dans un coin, d’où elle considérait avec surprise ces étrangers qui osaient fouiller dans ces cassettes et ces armoires que, depuis son enfance, elle ne regardait qu’avec une crainte religieuse. Tous les compétiteurs, l’honnête Dinmont excepté, jetaient sur cette pauvre enfant des regards de travers, la considérant comme une rivale dangereuse, dont les droits pouvaient au moins diminuer l’importance de la succession. Néanmoins elle était la seule qui parût regretter sincèrement la défunte. Quoique par des motifs d’intérêt personnel, mistress Bertram avait été sa protectrice, et sa capricieuse tyrannie était maintenant oubliée : les larmes coulaient abondamment le long des joues de la jeune personne, désormais sans amis, sans ressources.

« Il y a beaucoup d’eau salée ici, Drumquag, dit le marchand de tabac au propriétaire ruiné ; ceci ne nous présage rien de bon : il est rare qu’on montre tant d’affliction sans savoir pourquoi. » M. Mac-Casquil ne répondit que par un geste de tête : il ne voulait pas, en présence de M. Pleydell et du colonel Mannering, paraître l’ami d’un débitant de tabac.

« Il serait bien singulier qu’il ne se trouvât pas de testament, l’ami, » dit à l’homme d’affaires Dinmont, qui commençait à s’impatienter.

« Un moment de patience, s’il vous plaît : mistress Marguerite Bertram était une femme sage et prudente… une sage et prudente femme, qui jugeait bien, qui savait choisir ses amis et ses dépositaires… Elle aura placé ses dernières volontés, son testament, ou pour mieux dire ses dispositions mortis causâ, dans les mains de quelque ami sûr. »

« Je gagerais dix contre un, dit M. Pleydell à l’oreille du colonel, qu’il a le testament dans sa poche. » S’adressant donc à l’homme de loi : « Allons, monsieur, finissons-en, s’il vous plaît ; voici un acte, dressé il y a plusieurs années, qui dispose de la propriété de Singleside en faveur de miss Lucy Bertram d’Ellangowan. » Les assistants demeurèrent immobiles, glacés d’effroi. « Je présume que vous pouvez, monsieur Protocole, nous appren-