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raire, tout couvert d’écussons funèbres, vers le lieu de l’inhumation ; ils étaient précédés par Jannie Duff, espèce d’idiot qui, avec des pleureuses et un jabot de papier blanc, accompagnait tous les convois. Derrière, venaient six voitures de deuil, remplies de personnes invitées. La plupart d’entre elles commencèrent alors à donner libre carrière à leur langue et à disserter, avec une curiosité qui ne se déguisait plus, sur le montant de la succession et sur les probabilités qu’elle passerait à celui-ci ou à celui-là. Les principaux prétendants gardaient un silence prudent, craignant de laisser paraître des espérances qui seraient démenties. L’agent ou l’homme d’affaires, le seul qui connût exactement ce qui en était, se renfermait dans une importance mystérieuse, comme s’il voulait faire durer le plus long-temps possible l’anxiété et l’attente des spectateurs.

Enfin on arriva aux portes du cimetière, et de là, se faisant jour à travers deux ou trois douzaines de femmes oisives portant des enfants dans leurs bras et suivies d’une vingtaine d’autres qui couraient en gambadant, le cortège funèbre arriva enfin à la sépulture de la famille de Singleside. C’était une enceinte carrée dans le cimetière des Frères-Gris, dont l’entrée était gardée d’un côté par un ange vétéran, qui avait perdu son nez et une aile, mais qui du reste était resté fidèle à son poste pendant un siècle, tandis que de l’autre côté un chérubin son camarade, qui avait monté la garde sur le piédestal correspondant, était renversé à terre, mutilé, au milieu de la ciguë, des ronces, des orties qui croissaient avec une abondance et une vigueur surprenante autour du mausolée. Une inscription, couverte par la mousse et à demi brisée, informait le lecteur qu’en l’année 1650 le capitaine André Bertram, le premier Singleside, issu de la très ancienne et honorable maison d’Ellangowan, avait ordonné que ce monument fût élevé pour lui et ses descendants. Un nombre raisonnable de faux, de sabliers, de têtes de mort, d’os en croix, accompagnaient une pièce de poésie sépulcrale qui servait d’épitaphe au fondateur du mausolée. La voici :

Si jamais homme eut en partage
La valeur de Bézaléel
Et l’âme de Nathaniel,
Certes c’est bien celui que ce cyprès ombrage.

Là donc, dans une terre épaisse, noire et argileuse, à laquelle s’étaient mêlées les dépouilles de ses ancêtres, on déposa le corps de mistress Marguerite Bertram. Et de même que des soldats qui