Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/270

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contrastait bizarrement avec une perruque noire, sans poudre ; une poitrine étroite, des reins voûtés ; des mains qui, placées comme deux arcs-boutants sur la chaire, semblaient là pour soutenir le corps du prédicateur plutôt que pour accompagner son débit… Pas de robe, pas même celle de Genève ; un rabat chiffonné, un geste qui semblait involontaire : voilà ce qui frappa d’abord le colonel. « Ce prédicateur semble bien gauche, dit-il à l’oreille de son nouvel ami. — Soyez sans inquiétude ; c’est le fils d’un excellent avocat écossais[1], il montrera de quel sang il sort, je vous en réponds. »

Le savant jurisconsulte avait raison. Mannering entendit un discours rempli de vues instructives et frappantes sur les livres saints, un sermon où le calvinisme de l’église d’Écosse était fortement appuyé sur des arguments solides, et devenait en même temps la base d’un système de morale pratique qui ne couvre pas le pécheur du manteau d’une foi purement spéculative ou des dogmes théologiques, non plus qu’il ne lui permet de s’abandonner aux vagues de l’incrédulité ou du schisme. Il y avait dans la forme de son argumentation, dans ses métaphores, quelque chose d’antique, et qui donnait à son style un plus grand caractère de force et d’élévation. Le prédicateur ne lisait pas son discours, mais consultait de temps à autre un petit papier où il en avait noté les principales divisions… Sa prononciation, d’abord confuse et embarrassée, devint, à mesure qu’il s’échauffa, distincte et animée ; en un mot, quoique son discours ne pût être cité comme un parfait modèle d’éloquence de la chaire, Mannering n’en avait pas souvent entendu qui montrassent autant de savoir, une métaphysique aussi subtile, et si pleins d’arguments victorieusement employés à la défense du christianisme.

« Tels, disait-il en sortant de l’église, tels doivent avoir été les prédicateurs dont le courage intrépide et les talents puissants, quoique rudes et sans culture, nous ont valu la réforme. — Et pourtant, dit Pleydell, ce respectable ministre, que j’aime à cause de son père et à cause de lui-même, n’a rien de cet orgueil sombre et de la morgue pharisaïque que l’on a reprochés aux premiers fondateurs de l’église calviniste d’Écosse. Son collègue et lui diffèrent d’opinion sur quelques points de discipline ecclésiastique, et sont chefs de deux partis opposés dans l’église ; mais ils n’ont jamais perdu de vue les égards qu’ils se doivent respectivement, et n’ont jamais souffert que la ma-

  1. Le père du docteur Erskine était un avocat fort habile ; ses Institutes des lois d’Écosse sont aujourd’hui le manuel de ceux qui étudient les lois. a. m.