Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/262

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mannering demandent à vous parler, monsieur, » Pleydell tourna la tête, et rougit un peu en voyant les manières distinguées du voyageur anglais. Mais il était de l’opinion de Falstaff : « Allons, coquins, achevez la comédie ! » Jugeant avec raison que c’était le meilleur moyen de ne point du tout paraître embarrassé : « Où sont nos gardes ? s’écria ce moderne Justinien ; ne voyez-vous pas un chevalier étranger arrivé des pays lointains, ici à notre cour d’Holy-Rood… avec notre brave agriculteur André Dinmont, préposé à la garde des troupeaux de notre couronne dans la forêt de Jedwood, où, grâce à notre sollicitude royale pour l’administration de la justice, ils paissent aussi en sûreté que dans le comté de Fife ? Où sont nos hérauts, nos poursuivants d’armes ? notre Lyon, notre Marchmount, notre Carrick, et notre Snowdown ? Faites asseoir ces étrangers à notre table, et qu’on les traite comme il convient à leur rang et à la solennité de ce jour… Demain nous écouterons ce qu’ils ont à nous dire. — Pardon, mon prince, c’est demain dimanche, dit un des convives. — Dimanche ? oui, en effet. Nous nous conformerons aux prescriptions de l’Église… Notre audience sera donc remise à lundi. »

Mannering, qui était resté incertain s’il devait s’avancer ou se retirer, résolut de se prêter pour un moment à cette scène bizarre, quoiqu’il maudît intérieurement Mac-Morlan de l’avoir adressé à un jurisconsulte si extravagant et si fou. Il fit donc quelques pas en avant, salua trois fois très profondément, et demanda la permission de déposer ses lettres de créance aux pieds de sa majesté écossaise, pour qu’elle en prît connaissance à son loisir. La gravité avec laquelle il prit part à la plaisanterie, la respectueuse et profonde inclination avec laquelle il refusa, puis accepta le siège qui lui était présenté par le maître des cérémonies, lui valurent de la part des assistants trois salves d’applaudissements.

« Diable m’emporte s’ils ne sont pas tous fous ! dit Dinmont en s’asseyant avec moins de cérémonie à une des meilleures places ; ou au moins ils ont avancé les fêtes de Noël : c’est une mascarade. »

Un grand verre de vin fut offert à Mannering, qui le but à la santé du prince régnant. « Vous êtes, lui dit le monarque, à ce que je présume, le célèbre sir Miles Mannering, si renommé dans nos guerres contre la France, et vous pourrez, mieux que personne, nous dire si les vins de Gascogne perdent de leur parfum dans nos climats plus froids. »

Agréablement flatté par cette allusion à la gloire de son illustre