Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/257

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ces deux doctes personnages s’étaient engagés dans une querelle sur la signification précise du mot malobathro, dans la même ode. La seconde fois, voulant visiter le champ de Rullion-green et son monument sépulcral, bien chers à son cœur presbytérien, il était descendu pour un moment de la chaise de poste et il ne put être rejoint par Barnes qu’au moment où, après l’avoir visité, il avait déjà pris sa direction vers les monts Pentland. Dans ces deux occasions Dominie avait oublié son ami, son patron, son compagnon de voyage, aussi complètement que s’il eût été encore aux Grandes-Indes. Quand on lui rappela que le colonel l’attendait : « Pro-di-gi-eux… j’avais oublié, » s’écria-t-il selon sa coutume ; et il retourna vers la chaise de poste. Barnes admira la patience de son maître, sachant par expérience avec combien de peine il supportait la négligence et la lenteur ; mais Sampson était pour le colonel un homme privilégié. Tous deux si différents d’humeur et de caractère, il semblait qu’ils fussent faits pour vivre ensemble. Mannering avait-il besoin d’un livre, Sampson l’apportait sur-le-champ. Fallait-il faire une addition, une soustraction, Sampson était toujours prêt. Voulait-il retrouver un passage de quelque auteur classique, il avait recours à Sampson comme à un dictionnaire. Et que l’on s’occupât de lui ou que l’on n’y fît pas attention, cette espèce d’automate ne se montrait ni plus glorieux ni plus mécontent.

Sitôt arrivés à Édimbourg et établis à l’auberge de George, près de Bristo-Port, tenue à cette époque par le vieux Cockburn (j’aime l’exactitude dans les narrations), le colonel demanda quelqu’un pour le conduire chez M. Pleydell, l’avocat auquel il devait remettre la lettre de M. Mac-Morlan. Ayant ordonné à Barnes d’avoir l’œil sur M. Sampson, il se fit conduire chez le jurisconsulte.

C’était vers la fin de la guerre d’Amérique. Le goût des maisons commodes, bien aérées, des ameublements élégants, n’avait pas encore fait beaucoup de progrès dans la capitale de l’Écosse. On commençait, dans la partie méridionale de la ville, à bâtir des maisons dans des maisons[1] comme on les appelait emphatiquement ; et au nord, la nouvelle ville, aujourd’hui si étendue, consistait à peine en quelques maisons isolées. La plupart des personnes considérables, et surtout les hommes de robe, habitaient encore les donjons de la vieille ville. Les habitudes de quelques-uns des vétérans de la chicane n’avaient pas beaucoup changé : un ou deux des avocats les plus accrédités recevaient encore leurs clients dans les tavernes,

  1. Building houses within themselves. a. m.