Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/252

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oppriment le pauvre et reculent les limites de leurs champs… — Et qui dévorent la substance de l’orphelin, continua Sampson. Anathème, anathème sur eux ! » En parlant ainsi, il se leva, mit sous son bras l’in-folio qu’il lisait, fit volte-face, et quitta la salle en marchant comme un grenadier.

M. Glossin, sans se déconcerter, ou du moins voulant ne pas le paraître, se tourna vers le jeune Hazlewood qui semblait occupé de la lecture d’un journal : « Y a-t-il des nouvelles, monsieur ? » Hazlewood leva les yeux, le regarda, lui passa le journal comme on le passe à un étranger dans un café, se leva, et fit un mouvement pour sortir. « Pardon, monsieur Hazlewood ! mais je ne puis m’empêcher de vous témoigner ma joie de vous voir si bien remis après un si infernal accident. » La réponse à ceci fut une inclination de tête aussi courte et aussi brève que possible : cependant elle suffit pour encourager l’ancien greffier. « Je vous assure, monsieur Hazlewood, que personne n’a pris plus d’intérêt que moi à cet événement, et par amour pour le pays, et à cause de ma vénération particulière pour votre famille, qui occupe un rang si éminent. M. Featherhead devient vieux ; le bruit s’étant répandu qu’il va cesser de siéger au parlement, vous feriez bien de prendre vos mesures d’avance. Je vous parle en ami, monsieur Hazlewood, en homme qui connaît cette affaire ; et si mes services vous étaient agréables… — Pardon, monsieur ! mais je n’ai aucun projet pour lequel votre assistance puisse m’être nécessaire. — Très bien ! Peut-hêtre avez-vous raison ; rien ne presse, et j’aime à voir cette réserve dans un jeune homme. Mais je vous parlais de votre blessure : je crois avoir découvert votre assassin. Oui, je le tiendrai bientôt ; et si je ne le fais pas punir comme il le mérite… — Pardon, monsieur, encore une fois ! mais votre zèle va plus loin que je ne souhaiterais. J’ai mille raisons de croire que ma blessure a été le résultat d’un accident : certainement elle n’était pas préméditée. Croyez que je partagerais votre indignation contre l’homme coupable d’ingratitude et de trahison préméditée, si vous me présentiez un tel monstre. »

Encore une rebuffade ! pensa Glossin : il faut le prendre d’un autre côté. « Très bien, monsieur, on ne saurait penser plus noblement. Je n’aurais pas plus de pitié pour un ingrat que pour un coq de bruyère ; et, à propos de cela (Glossin avait appris de son ancien patron l’art des brusques transitions), je vous ai vu souvent le fusil sur l’épaule, et j’espère que vous serez sous peu capable de